La Russie vue de l’hôpital

Les urgences d’un hôpital moscovite vues comme un microcosme de la société russe par un vigile posté là dans les années 1990. Partagé entre l’amusement, le dégoût, l’indignation et la compassion pour les mille et une vilenies des soignants comme des soignés, leur héroïsme aussi. Car il faut bien être un peu héroïque pour survivre dans cette société fracassée.

Les cuisinières sont les reines de l’hôpital. La mère Valia et la mère Liouba. Elles règnent. On ne peut pratiquement pas les distinguer l’une de l’autre. Voyez-les, sorties au soleil, assises sur un banc, réchauffant leurs jambes bleuies et bavardant, parlant de leurs petites affaires de femmes – mais en truffant leurs phrases de gros mots : « Putain, j’ai les jambes en coton, je suis crevée, bordel de merde. » À l’accueil, toutes les aides-soignantes se sont teintes en roux flamboyant et maintenant elles se ressemblent comme des sœurs. C’est une liftière qui leur procure du « henné maison ». Elle en vend pour presque rien à toutes celles qui en veulent. Mais c’est le côté moyen­âgeux de la recette qui m’a étonné : une goutte d’iode dans une infusion de pelures d’oignon, et l’infusion doit se faire dans de « l’eau d’œuf », c’est-à-dire dans laquelle on a fait cuire des œufs. […] Une liftière manchote porte son gilet sur les épaules, comme un châle, et personne ne s’aperçoit qu’il lui manque un bras. On a licencié une aide-soignante ...
LE LIVRE
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Journal d’un gardien d’hôpital de Oleg Pavlov, Noir sur Blanc, 2015

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