Mort d’un journal

Un putsch caricatural vient de torpiller un titre centenaire, le mensuel américain The New Republic (TNR). Ce temple de la pensée libérale américaine – par « libérale », entendez : de la gauche modérée –, voyait sa diffusion baisser régulièrement. En 2012, il est racheté par un multimillionnaire de 28 ans, Chris Hughes, l’un des cofondateurs de Facebook. Après avoir promis de redonner du punch au magazine tout en préservant sa ligne éditoriale, le nouvel actionnaire licencie le rédacteur en chef, frère aîné de l’écrivain Jonathan Safran Foer. Et nomme à la direction un transfuge de Yahoo, pour « repenser TNR comme un média numérique intégré verticalement ». Et le nouveau venu d’expliquer aux rédacteurs ébahis qu’il leur faudra désormais faire équipe avec les ingénieurs afin de créer des « applis » pour le Web. Des widgets, a-t-il dit – le mot veut aussi dire « gadgets ». La rédaction a démissionné et le magazine suspendu sa parution. Bien sûr, la désaffection à l’égard de la presse écrite d’information générale a précédé Internet. Mais la révolution numérique a précipité le mouvement, comme on le voit en France pour tous les titres de cette famille, quelle qu’en soit la périodicité. Et créé l’asphyxie en détournant les recettes publicitaires. Lancé à contre-courant voici maintenant plus de six ans, Books lutte comme ses confrères contre cette tendance lourde. L’attentat contre Charlie Hebdo a fait se dresser les journalistes pour défendre la liberté de la presse. Mais dans nos pays, si par liberté de la presse on entend la faculté d’approfondir en toute indépendance l’analyse de l’actualité et de proposer une réflexion originale, la menace vient bien moins d’un fanatisme d’importation que de la révolution numérique et de la soumission des esprits qu’elle engendre. Ce tsunami induit une révolution culturelle sans précédent. Débordant de mérites et riche de promesses, certes. Mais quel bilan demain si les journaux de qualité disparaissent ? La voie du salut est étroite. Elle consiste à encourager les abonnements et, en parallèle, à proposer sur le Web un contenu de qualité. Ainsi allons-nous, chez Books, dans les semaines qui viennent, renforcer notre présence sur le Net avec une newsletter reflétant notre projet d’origine : éclairer l’actualité par le livre. Chère lectrice, cher lecteur, merci pour votre fidélité.  

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