Inattendu
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Nous sommes dans la merde, littéralement


Une nouvelle méthode pour apprendre à écrire aux petits japonais fait fureur dans les librairies de l’archipel nippon. Chacun de ses exemples utilise l’un des mots préférés des plus petits : « caca ». La version adulte de ce terme est aussi extrêmement populaire depuis quelques jours en France grâce à l’expression : « on est dans la merde ». Cette périphrase prend littéralement tout son sens sous la plume du vétérinaire et épidémiologiste David Waltner-Toes. Dans Merde…, il rappelle que chaque année les humains en produisent 400 millions de tonnes et les animaux un peu plus de 14 milliards de tonnes. Ces quantités sont de véritables records, simplement parce que nous n’avons jamais été aussi nombreux, mais aussi car nous n’avons jamais vécu de manière aussi groupée. La matière fécale est là où nous sommes : dans les villes et mégalopoles et dans les élevages intensifs. Waltner-Toes souligne la dangerosité de ces concentrations pour l’environnement. Les matières fécales servent depuis des millénaires à fertiliser la terre, disperser les graines, recycler le carbone si elles sont en bonne quantité au bon endroit. Ainsi les 12 000 cachalots de l’océan Austral participent à leur manière à la lutte contre le réchauffement climatique, précise Waltner-Toes.  Ils capturent chaque année 200 000 tonnes de carbone dans l’atmosphère et le font tomber au fond de l’océan sous forme de composé ferreux.

Dans le monde animal, les excréments sont bénéfiques : les antilopes envoient des signaux sexuels dans leurs crottes, les lapins dévorent les leurs sous peine de manquer de certains nutriments, et les biches mangent celles de leur faon jusqu’à un mois après leur naissance pour les garder des prédateurs. L’homme s’est longtemps montré créatif avec cette matière. Il s’en est servi de combustible ou de matériau de construction. Plus récemment, du papier a été fabriqué avec une fibre extraite de la bouse d’éléphant, tandis que d’autres excréments d’animaux ont été transformés en plastique, en fioul, en filtre à eau et même en arôme artificiel de vanille. Mais ce ne sont là que de petits usages. Aujourd’hui, l’essentiel est évacué et oublié et ne se rappelle à nous que lorsqu’un problème dans son traitement menace de créer une épidémie. Pour Waltner-Toes, notre façon de traiter notre merde est un acte essentiel de civisme aussi important que notre façon de voter.

LE LIVRE
LE LIVRE

Merde… de David Waltner-Toews, Piranha, 2015

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