Un drapeau violet comme la mer
Publié le 27 novembre 2015. Par La rédaction de Books.
De quelle couleur est la mer ? La question n’a rien d’une colle. Mais le poète grec Homère (s’il a jamais existé) aurait répondu violet.
Dans Through the Looking Glass, le linguiste Guy Deutscher essaie de déterminer si les couleurs sont façonnées par la nature ou par notre culture. Il passe en revue les nombreuses théories sur le sujet.
Homère utilise l’expression « sombre comme du vin » pour qualifier la mer ou des bœufs, et l’adjectif « violet » non seulement pour la Méditerranée mais aussi pour la laine et le fer, tandis que le miel, le visage et le bois sont choros, verts. Lord Gladstone, le premier à découvrir, en 1858, cette incohérence dans les textes antiques, en conclut que « les organes impliqués dans la perception des couleurs et leurs sensations n’étaient que faiblement développés parmi les Grecs de l’âge héroïque ».
Vingt ans plus tard, l’ophtalmologue allemand Hugo Magnus suggère, lui, dans un essai intitulé « L’évolution historique de la vision des couleurs », que les facultés visuelles des Anciens étaient comparables à celles de l’homme moderne au crépuscule, avec une distinction limitée entre les couleurs. Une théorie qui sera bientôt chassée par une hypothèse nouvelle et ses suivantes. Dans les années 1930, le linguiste américain Leonard Bloomfield assure que le spectre continu des couleurs est découpé de façon arbitraire différemment dans chaque langue. Guy Deutscher soutient, pour sa part, qu’aucun langage n’est intrinsèquement limité. Si le terme précis n’existe pas et que le locuteur ne prend pas la peine de le forger, c’est qu’il n’en a pas besoin.
En savoir plus : La mer est rouge comme une violette, Books, septembre 2010.