Un mot sur Books

Les Anglais s’apprêtent à célébrer le centenaire de la victoire de Waterloo. Ils ont raison contre Victor Hugo, car ce sacré Napoléon avait fini par succomber à une folie des grandeurs dévastatrice pour l’Europe. Mais cela agace plus d’un historien britannique, pour qui Waterloo relève du mythe populaire. La vraie victoire était Leipzig, sept mois plus tôt. Le stratège corse avait plié devant le stratège russe. Il était mort. Waterloo n’est qu’un codicille, juste bon pour une opérette.

Comme l’illustre le débat sur les programmes dans les écoles françaises, l’histoire est un enjeu idéologique et elle peut être dite de bien des façons. Le propre de l’enseignant idéal est de le faire comprendre à ses élèves. Si j’explique à des jeunes que 732 n’est pas ou à peine mentionné dans les annales de l’historiographie arabe, et si je tente de leur expliquer pourquoi, je leur rends un service intellectuel qui restera gravé dans leur tête. C’est, en gros, la mission que Books s’est assignée. Déplacer le regard, mettre en évidence la diversité des angles de vue possibles, sur tous les sujets. À partir des livres – les bons, de préférence –, car le livre est « un instrument de médiation pour observer toute l’humanité, un noyau autour duquel tout savoir, toute expérience, toute science et tout ce qui fait l’idéal et le concret de notre nature peuvent se rassembler », comme le disait Margaret Fuller. Qui devint en 1844 aux États-Unis « le » premier journaliste à être rémunéré à temps plein pour exercer le métier de critique littéraire, au New York Tribune. Notre démarche n’a donc rien de très nouveau : elle s’inscrit dans une tradition profonde, qui remonte au siècle des Lumières. Seulement voilà, cette belle tradition se perd. Le marché de la presse écrite rétrécit, et la place réservée aux book reviews de qualité par les grands journaux et magazines se réduit d’année en année, des deux côtés de l’Atlantique. Un signe parmi d’autres du déclin de la « haute culture » chère à l’infatigable George Steiner. Elle ne cesse de perdre du terrain face au privilège donné par Internet à l’expression des jugements superficiels et à la lecture rapide. Si vous pensez comme moi que la bataille n’est pas perdue, que l’on doit et que l’on peut résister, apportez-nous votre soutien en adressant vos dons à l’association Presse et Pluralisme, qui a été créée pour permettre aux lecteurs de devenir des partenaires du développement de leur titre préféré. L’association nous transférera vos dons. L’enjeu n’est pas seulement la survie de Books, mais le devenir de la culture et de l’esprit critique.

Pour tout renseignement, reportez-vous à la page 13 de notre numéro de juin (« Nos rêves ont-ils un sens »), ou contactez-nous directement à cette adresse :

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