Une Irakienne contre la tyrannie

S’il fallait qualifier d’un mot ce livre qui a fait grand bruit dans le monde arabe lors de sa parution en 2000, ce serait « audace ». Soulignée systématiquement par les lecteurs et les critiques, l’audace de la romancière, des thèmes qu’elle développe et de son écriture n’a pas échappé non plus aux censeurs de ce livre interdit dans la plupart des pays arabes.

S’il fallait qualifier d’un mot ce livre qui a fait grand bruit dans le monde arabe lors de sa parution en 2000, ce serait « audace ». Soulignée systématiquement par les lecteurs et les critiques, l’audace de la romancière, des thèmes qu’elle développe et de son écriture n’a pas échappé non plus aux censeurs de ce livre interdit dans la plupart des pays arabes. Oppression politique, répression policière, torture, agression sexuelle, homosexualité féminine… Alia Mamdouh aborde tous les sujets qui fâchent.

L’histoire de Sabiha, héroïne et narratrice de ce roman, est « celle d’une femme, victime de la cruauté des régimes arabes, une Irakienne engagée dans l’opposition qui, jetée en prison, est humiliée physiquement et moralement », résume Sabah Zouein dans le quotidien libanais An-Nahar. Militante communiste au côté de celui qu’elle aime dans l’Irak des années 1960, Sabiha est arrêtée en raison de cette liaison. Elle subit torture et viol pendant sa détention. En sortant, elle découvre qu’elle est enceinte et que son homme a été tué.

Au récit détaillé des souffrances qu’elle a vécues, Sabiha mêle sa révolte et sa fureur mais aussi ses fantasmes masochistes. Elle évoque ainsi le désir que réveille en elle le parfum de l’un des trois hommes venus l’arracher à son sommeil pour la conduire en prison et se plaît à imaginer à l’avance une séance de viol collectif par ses geôliers. Le langage direct utilisé par Alia Mamdouh pour décrire l’ambiguïté des sensations et des sentiments féminins est souvent relevé par les critiques, dont celle d’An-Nahar : « Sans recourir au symbolisme ni à l’allusion, elle appelle les choses par leur nom, faisant exploser leur sens, embrasant les cœurs et les esprits. » Mais, sur le site des intellectuels arabes libéraux Al-Hewar, l’Irakienne Latifa Chaalan observe que « la romancière ne tombe pas pour autant dans le piège de la vulgarité ou de la pornographie, mais maintient un niveau de langage raffiné. »

La Garçonne est souvent cité comme un exemple de la littérature féminine érotique qui connaît un spectaculaire essor depuis une dizaine d’années dans le monde arabe (lire « L’audace des filles arabes » Books, n° 28, décembre 2011-janvier 2012, p. 85-87). Mais on ne saurait réduire cet ouvrage à sa dimension féministe. Selon Sabah Zouein, « ce n’est pas seulement l’histoire d’une femme en particulier, mais celle de nombre d’êtres humains persécutés dans le sous-sol des prisons ». À ce titre, « La Garçonne mérite d’occuper une place de choix parmi les romans arabes contemporains », conclut la critique. 

LE LIVRE
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La Garçonne de Une Irakienne contre la tyrannie, Actes Sud

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