Publié dans le magazine Books n° 62, février 2015. Par Rachel Cooke.
Connaissez-vous Stella Gibbons ? Stella qui ? Cette romancière célébrissime en Grande-Bretagne est une illustre inconnue en France. Mais elle ne devrait pas le rester longtemps si le pays succombe à l’humour corrosif de sa plume et au charme so british de personnages merveilleusement campés et d’une morale débonnaire qui est le meilleur antidote à la déprime hivernale.
En 1930, une jeune journaliste du nom de Stella Gibbons prit son nouveau poste au
Lady, « le magazine pour gentlewomen », où elle appliqua son talent polymorphe d’écrivain à tous les sujets imaginables, à l’exception de la cuisine, fief d’une certaine Mrs Peel. Peu après son arrivée, néanmoins, Gibbons se lança dans un autre projet, plus excitant, un roman – son « chef-d’œuvre », comme elle l’appelait pour rire – qu’elle écrivait à ses heures perdues dans une petite pièce au bout d’un couloir, dans les bureaux londoniens de
Lady. Ce livre se voulait un pastiche des romans du genre « enfant de l’amour et du terreau » alors si populaires : des romans comme
Sarn de Mary Webb et
Sussex Gorse de Sheila Kaye-Smith, où des personnages truculents et primitifs, des événements sinistres et des paysages ruraux archaïques sont dépeints dans une prose si tarabiscotée que la dire « ampoulée » serait un euphémisme (« Le genre d’histoire dans laquelle des paysans ont des bébés dans les étables et se poussent dans les puits », comme l’expliquait l’hebdomadaire satirique
Punch). ...