Vallejo, le poète rouge

« Je mourrai à Paris par un jour de pluie, / un jour dont déjà j’ai le souvenir. / Je mourrai à Paris – et c’est bien ainsi – / peut-être un jeudi d’automne tel celui-ci. » Le grand poète péruvien César Vallejo est mort à Paris, comme il l’avait prédit dans son plus célèbre poème, Pierre noire sur une pierre blanche, le 15 avril 1938. Non pas un jeudi d’automne, mais un jour pluvieux de vendredi saint…

« Je mourrai à Paris par un jour de pluie, / un jour dont déjà j’ai le souvenir. / Je mourrai à Paris – et c’est bien ainsi – / peut-être un jeudi d’automne tel celui-ci. » Le grand poète péruvien César Vallejo est mort à Paris, comme il l’avait prédit dans son plus célèbre poème, Pierre noire sur une pierre blanche, le 15 avril 1938. Non pas un jeudi d’automne, mais un jour pluvieux de vendredi saint.

« Dans cette famille nombreuse, métisse et pauvre de Santiago de Chuco, dans le nord du Pérou, les parents rêvent que le dernier de leurs douze enfants devienne curé », raconte Alberto González Toro dans les colonnes du quotidien argentin Clarín. Lui choisit la faculté de lettres, mais « interrompt plusieurs fois ses études pour raisons financières, travaillant comme employé aux mines de Quiruvilca, puis dans une plantation de la vallée de Chicama, où il est témoin de l’exploitation des Indiens », dont il rendra compte dans son roman Tungstène (paru aux éditions Le Temps des cerises). Mais il s’installera finalement comme professeur. En 1920, rapporte González Toro, « il est pris dans une rixe entre bandes rivales qui déclenche un incendie et se voit condamné à tort à quatre mois de prison par un pouvoir qui pense trouver là l’occasion de mater le trublion ». Vallejo décide de s’exiler et réussit à gagner Paris en 1923. En 1928 et 1929, il se rend en Union soviétique. Les autorités françaises l’accusent de faire de la propagande et l’expulsent vers l’Espagne voisine, où il exerce comme correspondant de presse et finit par adhérer au parti communiste.

« Un rouge espagnol, en chair et en os »

« La guerre civile qui éclate affecte profondément le poète, et imprègne la dernière partie de son œuvre », rappelle El País. Espagne, écarte de moi ce calice, l’un des deux recueils – avec Poèmes humains – que les éditions du Seuil publient ces jours-ci dans une nouvelle traduction de François Maspero, est tout entier voué à la défense de la cause républicaine. Dès le texte liminaire, l’Hymne aux volontaires de la République, « Vallejo exalte le cœur de ceux qui vont mourir dans la bataille pour la vie et loue le sacrifice consenti par ces volontaires pour faire barrage au totalitarisme qui menace en Europe », commente le poète madrilène Luis García Montero.

« Vallejo était un rouge espagnol, en chair et en os », lit-on dans la préface à cette nouvelle édition bilingue, signée par Jorge Semprún peu avant sa mort. Ce qui fonde sa poésie, il l’a écrit, c’est la conviction que « les responsables de ce qui se passe dans le monde, ce sont les écrivains, parce qu’ils possèdent une arme formidable, qui est le verbe ». Poésie et politique fusionnent chez celui qui sut exprimer avec une rare intensité la souffrance et la fraternité. « J’ai toujours fait la différence, conclut Semprún, entre le totalitarisme des “évêques bolcheviques” et les communistes en chair et en os de toutes les clandestinités antifascistes. César Vallejo, pur et dur comme tant de poètes du XXe siècle, est, contrairement aux Neruda, Alberti, Aragon, résolument du côté des communistes en chair et en os. »

LE LIVRE
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Poèmes humains, Seuil

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