Publié dans le magazine Books n° 22, mai 2011. Par Richard Vinen.
L’Occupation continue de perturber la sérénité des historiens. Les Français ont-ils un peu ou beaucoup collaboré ? Un peu ou beaucoup résisté ? Aux divergences entre spécialistes s’ajoutent les écrans de fumée produits par les romans et les films qui ont aiguisé les tensions d’une mémoire de plus en plus reconstruite.
Pierre Laborie se sert du film
Le Chagrin et la Pitié (1971) pour explorer plus largement la relation qu’entretient la France avec son passé récent. Son argument est complexe. Il s’appuie sur les recherches de toute une vie et expose certains de ses points de vue les plus intéressants dans les notes, abondantes, plutôt que dans le corps du texte. Pour résumer, il s’en prend à ce qu’il appelle la « vulgate » contemporaine. Selon celle-ci, au cours des vingt années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les Français ont conservé une perception exagérée de l’ampleur de la Résistance ; après quoi, au début des années 1970, leurs illusions ont volé en éclats. Ceci dans la foulée d’une série de livres et de films, dont
Le Chagrin et la Pitié est l’exemple le plus notable, montrant que la Résistance n’avait mobilisé qu’une frange réduite de la population, tandis que la majorité des Français s’accommodait de l’Occupation.
D’après Laborie, cette vulgate est trompeuse à deux égards. Pour commencer, il n’...