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L’invention du chapeau des Juifs


Arrêter de porter la kippa, c’est le conseil donné par le président du consistoire israélite de Marseille après l’agression dont a été victime un enseignant juif lundi. Malgré l’enracinement de l’antisémitisme dans l’histoire, le fait de prêter aux Juifs des attributs distinctifs est chose relativement récente. Avant l’an 1000, aucun signe visible ne différencie les Juifs des Chrétiens dans l’iconographie, révèle l’historienne Sara Lipton dans Dark Mirror. C’est vers l’an 1100, à la faveur d’un nouvel intérêt des artistes pour l’Ancien Testament, que les prophètes hébreux apparaissent coiffés de leur chapeau pointu caractéristique dans les enluminures des bibles et sur les façades sculptées des églises.

Ce couvre-chef n’a pourtant aucun rapport avec la tenue vestimentaire réelle des hébreux. Puisque les Juifs pratiquants n’ont commencé à se couvrir systématiquement la tête qu’à partir du XVIe siècle. Ledit chapeau s’inspire en fait des « mitres des anciens prêtres persans et symbolise l’autorité religieuse », écrit Sara Lipton. Il donne aussi une aura d’antiquité aux œuvres d’art novatrices de l’époque. Sans avoir, donc, la moindre connotation négative. Le même chapeau coiffe, d’ailleurs, les Rois mages dans les représentations de la nativité.

Mais en quelques décennies, l’ascendance persane du couvre-chef est perdue. Le chapeau pointu devient « le chapeau des juifs ». De plus en plus de personnages en sont affublés dans l’iconographie chrétienne, mais aussi dans la littérature et les légendes. Dans ce nouveau contexte, les symboles d’antiquité et d’autorité sont oubliés, et le chapeau pointu prendra peu à peu une connotation négative.

 

En savoir plus : L’invention du nez juif, Books, octobre 2015.

LE LIVRE
LE LIVRE

Sombre miroir : les origines médiévales de l’iconographie antijuive de Sara Lipton, Metropolitan Books, 2014

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