Publié dans le magazine Books n° 81, janvier / février 2017.
Stakhanoviste de la peinture, Bernard Buffet a connu très jeune un succès spectaculaire. C’était la grande époque de l’existentialisme. Et puis le vent a tourné.
« Le jeune Bernard n’est doué pour aucun sujet… sauf peut-être le dessin », conclut son professeur principal pour justifier son éjection du lycée Carnot, à Paris, en 1939. Sa carrière fulgurante démarre en 1948, quand deux collectionneurs d’art contemporain commencent à lui acheter des toiles et qu’il reçoit le prix de la Critique. Il se met à peindre frénétiquement, dans le style hérissé de pointes qui le faisait reconnaître à cent pas. Il est sélectionné pour représenter la France à la Biennale de Venise, et le magazine Connaissance des Arts le place en tête de la liste des dix meilleurs peintres de sa génération. « Au milieu des années 1950, il fait deux grandes expositions par an, l’une rive gauche, l’autre rive droite, et vend chaque toile deux fois et demi le prix moyen d’une maison en Angleterre », relève sarcastiquement dans la
Literary Review l’essayiste et historien Paul Johnson, né la même année et comme lui élevé chez les Jésuites.
Bernard Buffet semble avoir pris délibérément la décision de rejeter l’abstraction. Picasso le considérait comme un « ...