Christ, que d’erreurs !

Publié en 2007, le premier tome du « Jésus de Nazareth » de Benoît XVI atteignait, un an après, les 2,5 millions d’exemplaires vendus dans le monde. Le deuxième volume, « De l’entrée dans Jérusalem à la résurrection », paru en Italie en mars dernier, figure depuis en tête des ventes du pays. Le professeur Joseph Ratzinger y « réinterprète en théologien les thèmes les plus importants de l’histoire de Jésus », commente La Repubblica. Et c’est bien ce qui chagrine le philosophe athée Paolo Flores d’Arcais, directeur de la revue Micromega et coauteur en 2006, avec Ratzinger lui-même, d’un recueil d’entretiens intitulé Est-ce que Dieu existe ?.

Publié en 2007, le premier tome du « Jésus de Nazareth » de Benoît XVI atteignait, un an après, les 2,5 millions d’exemplaires vendus dans le monde. Le deuxième volume, « De l’entrée dans Jérusalem à la résurrection », paru en Italie en mars dernier, figure depuis en tête des ventes du pays. Le professeur Joseph Ratzinger y « réinterprète en théologien les thèmes les plus importants de l’histoire de Jésus », commente La Repubblica.

Et c’est bien ce qui chagrine le philosophe athée Paolo Flores d’Arcais, directeur de la revue Micromega et coauteur en 2006, avec Ratzinger lui-même, d’un recueil d’entretiens intitulé Est-ce que Dieu existe ? : « Il n’y a rien de scandaleux, entendons-nous bien, à ce qu’un pape de la sainte Église romaine fasse œuvre de théologie ou de dévotion autour de la figure du Christ, écrit ce professeur de philosophie morale à la Sapienza de Rome. Au fond, c’est son métier. Mais Joseph Ratzinger a aussi des prétentions d’historien, lui qui explique dans sa préface vouloir “atteindre également à la certitude de la figure véritablement historique de Jésus”. » « Pourtant, poursuit Flores d’Arcais, le Jésus dont Joseph Ratzinger parle dans son livre n’est pas Jésus, mais bien le Christ canonisé par les conciles de Nicée en 325 et de Chalcédoine en 451, tous deux réunis par des empereurs romains ; rien à voir avec le Jésus des historiens, qu’il contredit et nie même sur certains points. »

En cherchant à rendre compatibles Jésus de Nazareth et le Christ de Nicée, Benoît XVI aurait produit une œuvre pétrie d’erreurs, « parfois incroyablement grossières du point de vue historique ». Ainsi le pape soutient-il que les premières communautés chrétiennes, malgré « toutes les âpres discussions sur ce qui aurait dû ou non être conservé des coutumes juives et rendu obligatoire », étaient unanimes sur un point : « Avec la croix du Christ, l’époque des sacrifices d'animaux était désormais révolue. » Une affirmation « incontestablement fausse », rétorque Flores d’Arcais, citations des Actes des Apôtres à l’appui, et aussi bien démentie par le Eerdmans Bible Dictionary, « l’une des meilleures références au niveau international », où il est dit qu’égorger et brûler les animaux est « l’aspect le plus important de la vie liturgique du Temple », le sacrifice étant par ailleurs crucial en tant qu’« offrande pour la purification des péchés et des fautes ».

Acrobaties interprétatives

Nombreuses sont les acrobaties interprétatives du pape qui, souligne Flores d’Arcais, « font fi de plus de deux siècles de recherche historiographique », notamment sur la question capitale de la résurrection. Ratzinger la tient pour un « fait » alors que, rappelle le philosophe, les Évangiles ont été écrits entre 70 et 110 et que se sont accumulés au fil du temps des « récits » contradictoires sur la façon dont les apôtres et autres disciples ont « fait leur deuil » (lire à ce sujet le dossier de notre n° 18).

Déjà en 2007, le premier volume de Jésus de Nazareth avait déclenché les foudres de l’éditorialiste Marco Damilano, qui épinglait dans un article de L’espresso intitulé « Christ, que d’erreurs ! », les imprécisions commises par Benoît XVI et rappelait qu’Abraham fut appelé à sacrifier Isaac sur le mont Moriah et non Oreb, ou encore que Jésus n’a pas pu « entrer dans Jérusalem le jour du dimanche des Rameaux » puisque « cette fête n’existait pas en son temps »…

« Telle est l’histoire, conclut Flores d’Arcais. La foi, évidemment, c’est tout autre chose. »

LE LIVRE
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Jésus de Nazareth, t. 2 de Christ, que d’erreurs !, Editrice Vaticana

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