C’est tardivement, à l’automne 2015, que l’écrivain espagnol Antonio Muñoz Molina, fin connaisseur de Cervantès, s’est astreint à une lecture suivie et complète des
Essais de Montaigne. « Ce qui arriva ensuite vint par surprise. » Au début, les archaïsmes, les références qui pullulent dans le texte rendaient cette lecture aussi fastidieuse au brillant homme de lettres espagnol qu’à n’importe quel étudiant. « Mais peu à peu, la familiarité du texte allégeant les difficultés de lecture, Montaigne occupa de plus en plus de mon temps. Le livre s’imposait à moi comme s’impose parfois à un romancier l’histoire qu’il est en train d’écrire, avec une pression imaginative soutenue, de plus en plus exclusive. Dans les trains, les avions, les chambres d’hôtel, les salles d’attente, les couloirs de métro, les bancs publics, Montaigne m’accompagnait, son soliloque causeur et vagabond ne s’interrompait plus. » Le parallèle avec Cervantès s’imposa : « Aller de Cervantès à Montaigne fut peut-être une dérive naturelle, l’intuition confirmée de quelques affinités ; deux âmes modérées en des temps où se ...