En Grande-Bretagne, l’envers de la « cheap food »
Publié le 23 juillet 2020. Par Pauline Toulet.
Au Royaume-Uni, se nourrir n’a jamais coûté aussi peu cher. Il y a un siècle, un ménage moyen consacrait environ 50 % de ses revenus à l’alimentation. Aujourd’hui, ce chiffre est tombé à 10 %. Nos voisins d’outre-Manche doivent-ils s’en réjouir ? Pas vraiment, avance Tim Lang dans Feeding Britain. Ce professeur de politique alimentaire à la City University de Londres « soutient qu’en dépit d’une certaine abondance, le système alimentaire du Royaume-Uni est beaucoup plus fragile qu’il n’y paraît. Ses observations, formulées bien avant la pandémie, semblent remarquablement clairvoyantes », souligne Bee Wilson dans The Times Literary Supplement.
Autosuffisance alimentaire
La principale inquiétude de Lang concerne la piètre performance du Royaume-Uni en matière d’autosuffisance alimentaire. Les Britanniques importent près de 50 % de la nourriture qu’ils consomment, et lorsqu’on s’intéresse aux fruits et légumes, ce chiffre grimpe jusqu’à 87 %. Une situation qui rend le Royaume-Uni vulnérable aux perturbations du marché mondial, d’autant que sa chaîne agro-alimentaire fonctionne à flux tendu. Autre sujet de préoccupation pour Lang : la médiocre qualité nutritive des aliments les plus prisés dans son pays. Actuellement, le panier d’un ménage britannique est constitué pour moitié de produits transformés, lesquels sont certes bon marché mais favorisent l’obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires.
Le coût de la nourriture bon marché
« Le livre regorge de données surprenantes, note Jay Raner dans le quotidien britannique The Guardian. Par exemple, sur les 6 millions d’hectares de terres cultivables de Grande-Bretagne, seulement 168 000 sont utilisés pour produire des fruits et des légumes ». Mais alors, quid des quelque 5,8 millions d’hectares restants ? Ils servent essentiellement à nourrir le bétail : chaque année, les porcs britanniques consomment l’équivalent d’un champ de soja de la taille du Yorkshire. Or, l’élevage intensif, très émetteur de gaz à effet de serre, a des conséquences désastreuses sur l’environnement, rappelle Lang. À y regarder de plus près, le coût social et environnemental de la nourriture que l’on croyait si « cheap » se révèle beaucoup plus important.
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