L’envers en vers de l’Iran

Le livre de Nicholas Jubber, un récit de ses voyages au cœur de l’Iran et de l’Afghanistan, n’aborde aucun des sujets qu’on a l’habitude de voir abordés quand il est question de la République Islamique. Ce qu’on nous explique c’est l’influence de la poésie iranienne, omniprésente dans la vie quotidienne.

« Ici c’est la poésie, et non la prose, qui est à l’honneur, » nous rappelle Justin Marozzi du Spectator. Le livre de Nicholas Jubber, un récit de ses voyages au cœur de l’Iran et de l’Afghanistan, n’aborde aucun des sujets qu’on a l’habitude de voir abordés quand il est question de la République Islamique. On se moque du débat sur le hijab, on ignore l’état de l’opposition, et « on nous épargne les débats interminables sur le programme nucléaire du Président », rapporte Justin Marozzi. Ce qu’on nous explique c’est l'influence de la poésie iranienne, omniprésente dans la vie quotidienne. L’auteur Nicholas Jubber ne s’aventure pas seul : il a emmené le Shâh Nâmeh (le « Livre des rois ») comme guide de voyage. Ce poème épique du poète Firdousi date du XIe siècle et « se compose de 60 000 couplets, soit quatre fois la longueur de de l’Iliade et l’Odyssée réunis », note Justin Marozzi. Il narre l’histoire mythique des shah pré-islamiques ainsi que l’invasion arabe de 637. Texte hérétique pour les mullah islamistes, il est pourtant au fondement de la culture persane. Lors d’une fête clandestine à Téhéran, le voyageur s’étonne que « les paroles d’une chanson thrash métal qui faisaient bouger la piste de danse au complet viennent de l’épopée de Firdousi » rapporte Marozzi. Il rencontre un artiste qui lui montre une de ses peintures, critique à l’encontre des autorités islamiques du pays, qui représente le prince maléfique Zahhak du Shâh Nâmeh, « les serpents mythiques de ses épaules transformés en minarets menaçants ». En Afghanistan, un moudjahid explique à Jubber : « Si tu lis le Shâh Nâmeh, tu comprendras pourquoi on ne laissera jamais des étrangers gouverner notre pays. » Malgré son grand âge, l’épopée de Ferdowsi permet au voyageur de comprendre les réalités les plus contemporaines. Avec Nicholas Jubber, le lecteur plonge dans un monde où se mêlent poésie et actualité, où les héros épiques côtoient les conducteurs de taxi de Téhéran, « qui sont moins susceptibles de régaler leurs passagers de diatribes contre l’immigration et l’équipe de football nationale que de citer le poète mystique Hafez du XIVe siècle. »
LE LIVRE
LE LIVRE

Boire de l’arak de la barbe d’un ayatollah. Un voyage dans le monde sens dessus dessous de l’Iran et de l’Afghanistan de L’envers en vers de l’Iran, Da Capo

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