Éros et Thanatos

Comme l’avait senti Freud, sans cependant parvenir à clarifier la chose, il existe une relation étroite entre le désir et la mort. La relation est portée à son comble chez la mante religieuse : le mâle meurt dévoré par la femelle dès qu’il lui a injecté son sperme. Chez les chimpanzés, le mâle dominant, qui est aussi le plus capable de tuer, est celui qui attire le plus de femelles. Il en va de même chez nous, comme l’attestent les manuels d’histoire et plus encore ce qui ne figure pas dans les manuels : le prodigieuse postérité génétique d’un Gengis Khan ou la vie sexuelle d’un JFK, le doigt sur la gâchette atomique. Et, comme on sait, chez le mâle humain, la guerre libère le droit de violer (retour au chimpanzé). Pourtant le désir de tuer, ou simplement d’agresser, peut être aussi vu comme une pulsion autonome, sans lien explicite avec la sexualité (ce qui n’exclut pas un effet de dérivation). Six jours avant de massacrer une foule de jeunes près d’Oslo, Anders Breivik avait tweeté cette citation de John Stuart Mill : « Une personne avec une croyance a autant de force que 100 000 personnes qui n’ont que des intérêts. » Là, nous sommes devant l’humain trop humain, selon le mot de Nietzsche, très loin des chimpanzés. Il faut certes distinguer entre la violence individuelle et la violence collective, la violence civile et la violence de guerre, mais l’une se nourrit de l’autre et réciproquement. « Ils attisent la guerre non parce qu’elle est juste, mais parce que c’est la guerre », écrivait Montaigne. Et en même temps, au pôle opposé de notre nature, la plupart d’entre nous vivons d’ordinaire un fort désir de tranquillité et de paix. Il s’affiche jusque sur les tombes. Voilà un désir aussi fort que l’autre peut-être, et encore moins lié à la sexualité (n’en déplaise à l’adage « faites l’amour, pas la guerre »). Si progrès de la civilisation il y a, il est fondé sur ce désir. Une étude récente révèle une corrélation négative, dans les différents États américains, entre le degré de violence et le degré d’implication des citoyens dans la vie sociale. Pour le Nobel d’économie Douglass North, le problème fondamental de tout ordre social a été et reste celui de résoudre le problème de la violence. Cela paraît assez juste.  

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