Essais cliniques : l’étonnant marché des volontaires


Essai clinique/ NIAID

Pour Discovery, son essai clinique destiné à évaluer quatre traitements expérimentaux contre le Covid-19, l’Inserm peine à trouver des partenaires européens et donc à recruter des patients volontaires. Dans cette course au remède et au vaccin, chaque pays a la tentation de mener ses propres recherches selon ses propres règles et de garder pour lui « ses patients ».

Depuis les années 1980, l’industrie pharmaceutique et les organismes de recherche se fient de plus en plus à des entreprises spécialisées pour rassembler les données nécessaires à l’évaluation des nouveaux traitements. Le tout forme une sorte de marché mondialisé des « volontaires » que décrit l’anthropologue Adriana Petryna dans When Experiments Travel.

Les bons volontaires

Les intermédiaires limitent parfois leurs coûts en choisissant les « bons » pays. Ceux où la réglementation est la plus souple et où sont disponibles en nombre des patients qui n’ont pas déjà été exposés à certaines molécules courantes (statines, stéroïdes…). Petryna note qu’après l’effondrement du bloc soviétique, les pays d’Europe de l’Est disposant de bonnes infrastructures médicales, comme la Pologne, sont ainsi devenus l’Eldorado des études en mal de volontaires.

Il ne s’agit cependant pas pour l’anthropologue d’opposer la méchante industrie pharmaceutique et ses intermédiaires au « pauvre cobaye ». Il existe selon elle un continuum entre l’expérimentation et le soin. Les essais bénéficient souvent à de nombreux volontaires qui profitent ainsi d’une meilleure thérapeutique que ce que propose le système de santé local.

Des essais plus simples

Et pour encadrer ces tests, des standards mondiaux ont été définis par une structure internationale rassemblant les autorités de réglementation et les représentants de l’industrie pharmaceutique d’Europe, du Japon et des États-Unis. Petryna regrette cependant que ces directives limitent les droits des patients et la responsabilité des entreprises.
Sont ainsi admis les essais cliniques dans lesquels un placebo est administré aux malades du groupe de contrôle, les privant de tout traitement. Éthiquement, il vaudrait mieux, souligne Petryna, comparer le médicament expérimental au meilleur traitement disponible. Mais recourir au placebo permet de diminuer les coûts et de survaloriser l’efficacité des médicaments testés.

À lire aussi dans Books : Les médecins otages des labos, septembre 2013.

LE LIVRE
LE LIVRE

When Experiments Travel: Clinical Trials and the Global Search for Human Subjects de Adriana Petryna, Princeton University Press, 2009

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