Les expatriés perdus d’Haïti
L’élection de Jovenel Moïse à la présidence de la République haïtienne a été officialisée cette semaine. Une des crises qu’il devra affronter est le retour de dizaines de milliers de ses compatriotes rejetés par la République Dominicaine voisine.
Selon le rapport Où allons-nous vivre ? publié par Amnesty International en juin 2016, 106 000 descendants haïtiens ont quitté la République Dominicaine, dont 40 000 de force, entre août 2015 et mai 2016. Et leur retour au pays se fait dans les pires conditions. Ils s’installent dans des campements de fortune dans l’Etat le plus pauvre de la Caraïbe.
L’écart de richesse entre les deux parties de la grande île est source d’émigration depuis le XIXe siècle, et la haine des Dominicains pour leurs voisins est presque aussi ancienne. Dans un rapport publié en février 2016, la Commission interaméricaine des droits de l’homme note que le racisme et « les multiples formes de discrimination constatées en République dominicaine à l’encontre de la population d’origine haïtienne se nourrissent d’une part du rejet de la négritude historiquement enraciné dans la société dominicaine depuis la colonisation et, d’autre part, de l’instrumentalisation politique de l’idéologie anti-haïtienne. » Dans les années 1930, après un appel à la haine du dictateur Rafael Trujillo, « le massacre du Perejil » a coûté la vie à 9 000 à 20 000 Haïtiens. Soixante ans plus tard, le gouvernement dominicain a mené une vague d’expulsions massives. Et depuis les années 2010, l’activisme de groupes nationalistes pousse à fuir des familles installées de ce côté de la frontière depuis plusieurs générations.
Pour ceux qui restent, l’administration rend la vie impossible. La Constitution a été modifiée : naître en République dominicaine ne garantit plus d’en obtenir la nationalité. En 2013, la mesure a été rendue rétroactive pour concerner toute personne née de parents sans papiers depuis 1929. Du jour au lendemain, 200 000 descendants d’immigrés haïtiens sont devenus apatrides.
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