Grossophobie d’hier et d’aujourd’hui
Publié le 4 juillet 2019. Par Amandine Meunier.
En 1602, le moine dominicain Tommaso Campanella suggéra que les villes ferment leurs portes aux obèses et que les enfants en surpoids soient exilés dès l‘âge de 14 ans.
Une attitude extrême mais essentielle pour comprendre notre relation au gras, assure l’historien Christopher Forth. Dans son histoire du gras, Fat: A Cultural History of the Stuff of Life, il s’attache à détruire un mythe : non, la grossophobie ne date pas d’hier.
L’ambivalence face au gras
À voir les peintures de femmes bien en chair et de monarques bedonnants, on imagine que nos ancêtres associaient le gras à la prospérité, la santé, la beauté et le pouvoir. Or dans notre histoire, le sentiment qui caractérise la relation entre la société et la graisse est plutôt l’ambivalence.
Forth rappelle que dès l’Antiquité, la forte corpulence était considérée comme un signe de… faiblesse de caractère. Et même dans l’Europe médiévale, qui faisait du gras un symbole du plaisir et de l’abondance (c’est l’époque faste des mardi-gras et autres carnavals), les qualificatifs péjoratifs persistent.
Mesurer le gros
Selon Forth, la graisse provoque du dégoût car elle nous rappelle notre animalité et notre inévitable décomposition. Il précise que la traque du gras et de l’obèse semble s’être intensifiée ces derniers siècles avec l’apparition de moyens de mesures standardisées et de normes de santé. Mais pour les époques précédentes, relève l’historienne Sarah Goldsmith dans la Literary Review, comment comprendre ce que les contemporains jugeaient trop gros ou trop maigre ? Que signifiait être élancé, musclé, dodu, obèse ? « C’est l’éternel problème du travail historique sur le corps, ajoute-t-elle, comment analyser quelque chose qui n’est plus là physiquement ? ».
À lire aussi dans Books : Le mythe des graisses saturées, décembre 2015.