L’histoire que Harper Lee n’a pas su raconter
Publié le 29 mai 2019. Par Pauline Toulet.
Un jour de juin 1977, les habitants d’Alexander City, une petite localité de l’Alabama, assistent aux obsèques d’une adolescente de 16 ans assassinée. Soudain, un homme traverse l’église, dégaine un pistolet Beretta et abat le beau-père de la défunte – le révérend Maxwell – devant 600 personnes médusées.
L’assaillant croyait agir dans l’intérêt général : depuis plusieurs années, des rumeurs circulaient à propos du pasteur. Il faut dire que les membres de son entourage avaient tendance à mourir dans d’étranges circonstances. Une première épouse, une deuxième, un frère, un neveu, une voisine et finalement une belle-fille, tous ont disparu en l’espace de sept ans. Et, chose curieuse, le révérend Maxwell avait à chaque fois souscrit des assurances vie au nom des défunts dont il était le seul bénéficiaire…
Le potentiel d’une bonne histoire
Son assassinat fit grand bruit – un bruit tel qu’il parvint jusqu’aux oreilles de la romancière Harper Lee. Cette dernière avait connu un succès phénoménal dix-sept ans plus tôt avec Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, récompensé d’un prix Pulitzer. Mais, depuis la parution de ce premier roman, Lee se débattait avec la dépression et l’alcoolisme, et n’avait plus rien publié. Lorsqu’elle entendit parler du procès Maxwell, l’écrivaine y décela immédiatement le potentiel d’une bonne histoire et décida d’en faire un livre. Elle assista au procès, prit quantité de notes et interviewa de nombreux protagonistes de l’affaire. Hélas, Harper Lee ne parvint jamais au bout de son entreprise, comme le raconte la journaliste américaine Casey Cep dans Furious Hours.
Harper Lee paralysée par le succès
Son essai se présente comme un triptyque, abordant tour à tour la personnalité du pasteur, celle de l’avocat qui défendit brillamment l’assassin de Maxwell et celle de Harper Lee. « Casey Cep a pris la relève de Lee là où elle avait abandonné : elle a fait le récit du fait divers que Harper Lee n’a jamais réussi à raconter. Et ce récit sert de prétexte à l’analyse de Lee elle-même – et des raisons de son long silence », commente Michael Lewis dans The New York Times.
Si Harper Lee n’est pas parvenue à achever son livre, Casey Cep montre que c’est en grande partie parce que son succès précédent l’avait paralysée. Dans une lettre, la romancière confiait que lorsqu’elle travaillait sur son nouveau manuscrit, elle avait « l’impression de sentir le souffle de respirations sur [sa] nuque ».
À lire aussi dans Books : Fallait-il publier le premier roman de Harper Lee ?, avril 2016.