L’art perdu de la bonne mort

Les attitudes des Occidentaux devant la mort ont profondément changé depuis le haut Moyen Âge. Longtemps, le trépas fut une affaire collective, intégrée à l’étoffe du quotidien. Puis il devint une question personnelle tendue vers la perspective du Jugement dernier. Le XVIIIe siècle a balayé cette conception. Encore ritualisée au siècle suivant, dans le cadre familial, la mort a fini par être évincée de la vie au XXe siècle, abandonnée qu’elle est désormais au personnel hospitalier.

Bien que la mort ait depuis toujours inexorablement succédé à la vie, les historiens ont longtemps présumé qu’elle n’avait pas d’histoire. Ils préfèrent en général les événements spectaculaires aux grandes constantes de la condition humaine – la naissance, l’enfance, le mariage, la vieillesse et le trépas. Lesdites constantes ont pourtant changé, même si ce fut lentement et imperceptiblement. Donner naissance et mourir sont des expériences bien différentes aujourd’hui de ce qu’elles étaient dans l’Antiquité. Et à l’heure actuelle encore, à l’intérieur des frontières américaines, les Apaches, les Hopi, les Cocopa, les mormons, les juifs orthodoxes et les bourgeois de Los Angeles ne les vivent pas de la même manière. Si les anthropologues ont traité la mort comme un rite de passage susceptible de révéler les traits fondamentaux d’une civilisation, les historiens du culturel s’en ...

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