Publié dans le magazine Books n° 34, juillet-août 2012. Par Alexander Murray.
Au moment où les Mongols atteignent l’Adriatique, le royaume de France se renforce. La canonisation de Louis IX, vingt-sept ans après sa mort, fut le geste d’une Église affaiblie. Saint Louis fut un défenseur presque fanatique de la « guerre juste » et l’artisan de la centralisation d’un système judiciaire soumis au pouvoir royal. Il était aussi dominé par sa mère et ne dédaignait pas le sang.
Un gouvernant peut-il être un saint ? La morale privée ne saurait être le seul critère pour en décider. Les hommes politiques doivent prendre des décisions dans un monde cruel et compliqué, qui entache moralement jusqu’aux meilleurs arbitrages. La question est intemporelle. Nos ancêtres du Moyen Âge la tranchaient en accordant le statut de « saint » uniquement à certains types de personnes. Pour recevoir cet honneur, un roi des débuts de la période devait presque toujours avoir renoncé à l’exercice du pouvoir pour mener une vie exemplaire de piété, laissant à d’autres le sale boulot, ou être mort pour la foi chrétienne. Édouard le Confesseur [roi d’Angleterre mort de sa belle mort en 1066] appartient à la première catégorie ; Edmond
[roi d’Est-Anglie], assassiné par les Vikings en 869 pour avoir refusé d’abjurer, relève de la seconde.
Cette distinction entre sainteté et royauté active était l’un des moyens permettant à la société de défendre un haut idéal moral dans un monde immoral. Il était interdit aux ecclésiastiques de tuer, d’avoir une vie sexuelle et de gagner de l’argent ; au-dessus d’eux (tout ceci ...