La complainte du gratte-papier

Qui ne s’est jamais senti découragé par le poids des formulaires à remplir et autres notes de service ? Frustré par cette désagréable emprise de la paperasse sur la noblesse d’un métier, voire le sens de la vie ? Pourtant, la besogne administrative a nourri l’œuvre des plus grands auteurs, de Tocqueville à Kafka en passant par Melville, Pessoa et Flaubert.

Pourquoi n’existe-t-il aucune Anthologie de la paperasserie ? Si le trésor des manuscrits de Franz Kafka, longtemps cachés dans des coffres-forts, a attiré l’attention des grands médias, la véritable perle est ail­leurs, dans le recueil des notes de service que l’auteur a rédigées lorsqu’il était juriste pour l’Institut d’assurances contre les accidents du travail (1). Kafka : « L’Institut est convaincu que, si la catégorie de risque pour les filatures de laine de mouton était plus élevée que celle des filatures de coton, il y aurait eu des pressions pour que les ateliers mixtes soient classés comme filatures de coton, un changement qui se serait accordé, fût-ce par hasard, à la situation existante. » Pas mal. Mais Kafka n’est pas le seul auteur moderne d’importance à avoir consacré une grande partie de son temps et de son énergie à la rédaction de phrases pareilles. Par exemple, qui a écrit : « Je me suis rendu au ministère de l’Instruction publique. J’y ai vérifié que vous n’avez qu’un seul justificatif à fournir. […] Je suis persuadé que le ministre, dans sa lettre au pré...
LE LIVRE
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Bartleby le scribe de Herman Melville, Gallimard, 2003

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