La longue attente des réfugiés de la Seconde Guerre mondiale

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, plus de six millions de survivants des camps de concentration, prisonniers de guerre et travailleurs forcés erraient en Allemagne. Les Alliés les rassemblèrent et les rapatrièrent dans leur pays d’origine. Mais à la fin de l’année 1945, plus d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants vivaient encore dans des camps pour « personnes déplacées », rappelle l’historien américain David Nasaw dans The Last Million. Ceux-ci ne pouvaient pas, ou ne voulaient pas, rentrer chez eux.

Certains anciens ressortissants de l’est de l’Europe refusaient de rentrer dans des pays passés désormais dans le giron de l’URSS, de peur d’être accusé d’activités anti-communistes ou d’être poursuivis pour collaboration avec l’ennemi. Le clergé catholique en persuada d’autres de ne pas rejoindre cette Union où la religion n’avait plus le droit de cité. Les Juifs, enfin, avaient tout perdu chez eux, et certains parmi ceux qui étaient retournés en Pologne firent demi-tour dès la fin 1946 après le pogrom de Kielce. Dans les camps pour « personnes déplacées » commença pour eux une très longue attente.

Nasaw montre comment pour ce dernier million « les différends entre Alliés, les calculs politiques des uns et des autres et l’antisémitisme ambiant éclipsèrent les considérations humanitaires », note l’historien Glenn C. Altschuler dans The Jerusalem Post.

« Les camps de réfugiés furent traités comme un marché aux esclaves : des pays comme l’Australie, le Canada et l’Argentine sélectionnaient leurs candidats à l’immigration et tendaient à choisir les travailleurs forts et en bonne santé avec des compétences utiles et peu de famille à charge », souligne Jim Zarroli sur le site de la radio publique américaine NPR.

Les États-Unis, eux, commencèrent par ignorer la situation avant d’autoriser l’entrée de 200 000 personnes en juin 1948 . Les critères de sélection leur permirent de refouler 90% des Juifs survivants de la Shoah. Les législateurs les considéraient comme suspects de sympathie communiste du seul fait de leur origine. Aucune restriction, cependant, ne barra l’entrée à des centaines d’anciens nazis qui fuyaient la justice dans leur pays. La loi fut amendée deux ans plus tard, mais la plupart des Juifs avaient déjà trouvé refuge en Israël né entre temps. Les dernières personnes déplacées quittèrent l’Allemagne en 1957, soit 12 ans après la fin de la guerre.

À lire aussi dans Books : La guerre après la guerre, avril 2019.

LE LIVRE
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The Last Million: Europe’s Displaced Persons from World War to Cold War de David Nasaw, Penguin Press, 2020

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