Publié dans le magazine Books n° 76, mai 2016. Par Stephen Mihm.
L’essor de l’économie de marché au XVIIe siècle n’avait rien d’inéluctable. Elle n’aurait pu avoir lieu sans l’éclosion préalable d’une culture particulière, ni prospérer sans l’intervention massive de l’État.
Quelle est la nature du capitalisme ? Pour Joseph Schumpeter, l’économiste d’origine autrichienne dont les textes ont acquis une pertinence toute particulière ces dernières années, ce système, le plus moderne de tous, « révolutionne sans cesse la structure économique de l’intérieur, détruit sans cesse l’ancienne pour en créer sans cesse une nouvelle ». Le capitalisme, proclamait Schumpeter, ne saurait rester tranquille ; il est animé par des vagues d’innovation entrepreneuriale ou, pour le dire selon ses termes mémorables, un « ouragan perpétuel de destruction créatrice ».
Schumpeter est mort en 1950, mais son fantôme hante le magnifique récit de Joyce Appleby sur la « révolution permanente » déclenchée par le capitalisme à partir du xvie siècle. Cette remarquable historienne, qui a consacré sa carrière à l’étude des origines de l’économie de marché dans le monde anglo-saxon, élargit ici sa perspective pour prendre en compte l’histoire globale du capitalisme dans toute sa gloire créatrice – et destructrice donc.
Dès le début du livre, elle note que la naissance de ce système économique était à bien des égards improbable. Elle observe, à juste titre, que ...