Publié dans le magazine Books n° 85, septembre / octobre 2017.
On savait que le retentissement de « l’Affaire » avait largement dépassé les frontières hexagonales. Mais cet épisode n’a-t-il pas aussi influencé, via l’œuvre de Proust, la pensée de l’Europe tout entière ?
Le XIXe est un siècle « de contradictions, d’aspirations et d’absurdités. Nous y trouvons les racines de nos obsessions contemporaines : masculinité et féminité, sexualité, terrorisme et technologie, savants fous et tueurs en série, kitsch et marchandisation. » C’est ainsi que l’éditeur américain présente la traduction outre-Atlantique du livre de l’essayiste allemand Joachim Kalka, qui mérite un détour. Kalka a souhaité revisiter « la mythologie propre de cette période qui mêle romantisme et modernité, lumière et obscurité… Et baigne dans la luminescence évocatrice des réverbères à gaz » (le
gaslight du titre), peut-on encore y lire. L’ouvrage nous incite « à réexaminer tant cette époque que la nôtre, ainsi que les histoires avec lesquelles nous fabriquons l’Histoire ». L’une de ces « histoires », c’est l’affaire Dreyfus, dont Kalka juge qu’elle a façonné la pensée de l’Europe et même, via Proust, toute sa littérature. Il y consacre un chapitre entier.
On le sait, le retentissement de « l’Affaire » a largement dépassé les frontières de l’Hexagone ; mais on ignore à quel point. « Tchekhov et Mark Twain ...