L’argent peut-il tout acheter ?

Pays à 90 % musulman, le Bangladesh admet la prostitution des plus de 18 ans et tolère de facto celle des mineurs. En la matière, la planète est une constellation de règles et de pratiques différentes, qui compliquent singulièrement l’exercice du jugement moral. Ce vieux problème en éclaire de plus récents. Spécialiste de philosophie politique, l’Américain Michael Sandel a publié un livre important dans lequel il s’inquiète de voir les pratiques marchandes contaminer une fraction croissante des relations entre les hommes. Pour étayer son propos, il se concentre sur les pratiques légales, mais en évoque aussi d’illégales, comme le marché du rein. Beaucoup sont révélatrices mais anecdotiques : l’achat d’une place dans une queue, d’un discours tout préparé à l’occasion d’un mariage... Plus problématique : l’achat d’une assurance vie sur la tête d’une personne âgée, la location d’une cellule de prison de catégorie supérieure... Mais le symbole le plus frappant de cette évolution est sans aucun doute l’autorisation, aux États-Unis, de la location d’utérus. La revendication et la justification de la gestation pour autrui, moyennant finances, sont un sujet de réflexion considérable, au cœur de l’évolution de nos sociétés. Nous avons demandé à la juriste française Muriel Fabre-Magnan, auteure d’un livre critique sur le sujet, de développer ses arguments. Michael Sandel appelle les citoyens à prendre conscience des dérives actuelles et à se ressaisir. On peut, comme le Canadien Michael Ignatieff, y voir un vœu pieux, faisant l’économie d’une théorie politique digne de ce nom. On peut aussi y déceler une méconnaissance des travaux des économistes, ou la naïveté d’un philosophe qui se voile la face. Mais c’est un débat d’une grande richesse, qui vaut d’être lancé en France, dans toutes ses dimensions.   Dans ce dossier :

Pour aller plus loin

En français

Céline Lafontaine, Le Corps-marché. La marchandisation de la vie humaine à l’ère de la bioéconomie, Seuil, 2014. Par une sociologue canadienne. « Sang, tissus, cellules, ovules : le corps humain mis sur le marché en pièces détachées… »

 

En anglais

Roger Brown, avec Helen Carasso, Everything for Sale? The Marketisation of UK Higher Education (« Tout est-il à vendre ? La marchandisation de l’enseignement supérieur britannique »). Routledge, 2013. La marchandisation de l’université est une tendance mondiale, très sensible en Grande-Bretagne.

Benjamin Perrin, Invisible Chains, Canada’s Underground World of Human Trafficking (« Chaînes invisibles : le monde souterrain du trafic d’êtres humains au Canada »), Viking ,2011. Un livré évoqué dans Books, décembre 2011. À noter : le trafic d’êtres humains et la prostitution sont deux problématiques différentes, même si elles se recouvrent en partie.

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