L’art est une fête

Comme les festivités, l’œuvre d’art interrompt le temps quotidien du travail. Le beau permet au regard de se poser. Il fait abdiquer la volonté de celui qui regarde et soustrait l’objet aux logiques de consommation. En réduisant le beau à sa valeur d’usage ou marchande, l’art contemporain trahit sa fonction contemplative.

 

La supplique de Faust, « Attarde-toi, tu es si beau », recouvre un aspect important de la beauté, car c’est justement elle qui nous invite à nous attarder dans le temps long de la contemplation. La volonté, quant à elle, s’oppose à la contemplation de celui qui s’attarde sur quelque chose. Mais à la vue du beau, le vouloir abdique. Cette dimension contemplative du beau est centrale dans la conception de l’art que développe Schopenhauer : pour lui, la joie prise au beau consiste en grande partie « en ce que – dans la contemplation pure – nous nous dérobons pour un instant au vouloir, c’est-à-dire à tout désir, à tout souci ; nous nous dépouillons de nous-mêmes […] » (1). Le beau me dégage de moi-même. Le moi s’abîme dans le beau. En présence du beau, il se défait de lui-même. C’est par le vouloir, l’intérêt, même le conatus (l’effort) que le temps s’écoule. L’immersion contemplative dans la beauté, par laquelle le vouloir abdique et le soi se retire, engendre un état dans lequel le temps est comme suspendu. ...
LE LIVRE
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Sauvons le beau : l’esthétique à l’ère du numérique de Byung-Chul Han, Actes Sud, 2016

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