Le papier, encore loin de la corbeille

Face à la poussée numérique, le papier périclite, n’est-ce pas ? Eh bien, non. Le triomphe de l’écran, l’e-book, l’illusoire « dématérialisation » (« Paper-free office ») – rien de tout cela semble n’avoir sérieusement affecté les ventes de papier, dont chaque Américain consomme l’équivalent de sept sacs de ciment par an. Joie des papetiers, rage des écologistes (car trente livres sont l’équivalent d’un arbre). En quoi ils se trompent, car les arbres utilisés pour cet usage viennent de forêts entretenues. Il faut dire que le papier, depuis son invention en Asie au IIIe siècle av J.-C. , a eu le temps d’acquérir tout ce qu’il faut comme lettres de noblesse : matière quasi divine en Chine ; support de la pensée, à l’instar du langage, chez Saussure ; vecteur spirituel pour Gandhi, qui fabriquait lui-même le sien ; prétexte à divagation symbolique chez Derrida (1) (« Que se passe-t-il ? Qu’est-ce qui a lieu, justement, entre le papier et la machine ? Quelle nouvelle expérience de l’avoir-lieu ? »). « La modernité a été créée par le papier, soutenue par lui, et continue à en être saturée », résume ...

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