Le charme désuet de l’aristocratie

Dans son dernier roman, Alan Hollinghurst raconte de main de maître le déclin de la haute société britannique au XXe siècle.

 

Outre-Manche, Alan Hollinghurst passe pour être le digne « héritier d’Henry James », tant il sait « allier l’ironie à la gravité profonde » et « l’éclat des apparences » à « une implacable minutie », explique Theo Tait dans les colonnes du Guardian. Une filiation littéraire qui n’est sans doute pas étrangère à l’immense succès de son nouveau roman, The Stranger’s Child – le premier depuis La Ligne de beauté, lauréat du Booker Prize en 2004. À la fin de l’été 1913, Cecil Valance, jeune aristocrate et poète médiocre, « aux goûts sexuels éclectiques », passe quelques jours à Two Acres, dans la demeure familiale de son camarade de Cambridge, George Sawle. Entre vapeurs d’alcool­ et nuits blanches, Valance séduit tour à tour George et sa sœur Daphne, et entame sa carrière littéraire par un long poème ambigu, adressé à ces « deux arpents bénis de terre anglaise » (« Two blessed acres of English ground »). Puis, la guerre éclate. Cecil Valance meurt au front et Churchill lui-même, à qui l’on a fait lire le texte du jeune soldat, vante les mérites de cette vibrante évocation du pays d’avant le cataclysme. Le poème devient une référence de la littérature de guerre. C’est ainsi que Valance est devenu le « parfait exemple du poète de second ordre qui parvient pourtant à pénétrer la conscience collective plus profondément que bien des maîtres », résume l’un des personnages. Car l’essentiel du roman regarde les différents amis et amants de Cecil poursuivre leur vie, entre 1926 et 2008, spéculant de loin en loin sur « la réputation littéraire posthume, la nature et le degré des attachements sentimentaux » du poète disparu, résume Keith Miller dans le Telegraph. Pour son quatrième ouvrage en vingt ans, s’enthousiasme Peter Parker dans le Times Literary Supplement, Alan Hollinghurst a vu grand : un récit sur « l’œuvre du temps et de la mémoire, aussi ambitieux dans son projet que dans sa structure, et qui constitue une véritable leçon de maître dans l’art d’écrire un roman ». Son récit abonde en références à la littérature anglaise du siècle dernier, précise le Guardian, et en sujets presque caricaturalement British : « L’argent et les rapports de classe, les histoires cachées de la vie homosexuelle dans ce pays, l’ennui de la province et l’exubérance de la capitale. » Pour The Independent, qui range l’ouvrage parmi les meilleurs de l’année, The Stranger’s Child est le roman de « l’aristocratie britan­nique pendant cette après-guerre qui l’a vue perdre peu à peu son influence sociale et morale ».
LE LIVRE
LE LIVRE

L’enfant de l’étranger de Alan Hollinghurst, Picador

SUR LE MÊME THÈME

Bestsellers Les recettes de Monsieur Longévité
Bestsellers À la recherche du folklore perdu
Bestsellers L’homme qui faisait chanter les cellules

Dans le magazine
BOOKS n°123

DOSSIER

Faut-il restituer l'art africain ?

Chemin de traverse

13 faits & idées à glaner dans ce numéro

Edito

Une idée iconoclaste

par Olivier Postel-Vinay

Bestsellers

L’homme qui faisait chanter les cellules

par Ekaterina Dvinina

Voir le sommaire