Inattendu
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Le chef-d’œuvre raciste de l’Amérique


Birth of A Nation

S’exprimant au lendemain du massacre survenu dans une église noire de Charleston, Barack Obama a déclaré hier que l’Amérique n’était pas guérie du racisme. Le mot « nègre », utilisé par le président pour frapper les esprits, a beau être devenu tabou, les idées que son usage traduisait n’ont pas disparu. De manière emblématique, cette idéologie raciale imprégnait le premier long-métrage de l’histoire du pays. Œuvre phare que de nombreux Américains préfèrent occulter, Naissance d’une nation, de D. W. Griffith, a été projeté pour la première fois en février 1915. Nul autre film n’a eu autant d’impact sur la société américaine, selon l’historien Melvin Strokes, qui lui a consacré un livre.

Cette fresque de trois heures raconte la guerre de Sécession et la reconstruction du Sud à la lumière d’une doctrine très répandue à l’époque : la suprématie blanche. Celle-là même dont s’est réclamé le tueur de Charleston. Les méchants sont les Noirs, les métisses et les politiciens du Nord ; les héros sont les membres du Ku Klux Klan, présentés en sauveurs du Sud blanc. « Les répercussions du film furent profondes et, à certains égards, paradoxales, écrit le réalisateur Godfrey Cheschire dans Books. D’une part, sa sortie coïncida avec la renaissance du Ku Klux Klan, qui avait été interdit en 1871. D’un autre côté, Naissance d’une nation donna son élan à l’Association nationale pour la promotion des gens de couleur (NAACP). Fondée tout juste cinq avant la sortie, celle-ci devint une force nationale en s’opposant à lui. »

Mais Naissance d’une nation a surtout été l’un des plus grands succès de l’histoire du cinéma. Sa projection galvanisait le public dans l’ensemble des Etats-Unis. « Les sentiments exprimés dans le film de Griffith sont inscrits dans l’ADN du pays, conclut Godfrey Cheschire. Naissance d’une nation reste sans doute le plus grand documentaire jamais réalisé sur la tache laissée par le racisme sur l’âme de l’Amérique. »

LE LIVRE
LE LIVRE

Naissance d’une nation de D.W. Griffith de Melvyn Stokes, Oxford University Press, 2008

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