Homme d'influence
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Le citoyen Palloy, démolisseur de la Bastille


En ce 14 juillet 1789, il suffit de quelques heures pour prendre la Bastille. Mais sa démolition, commencée le soir même, dure près de deux ans. Sous la direction du citoyen Palloy, dont l’historienne Héloïse Bocher raconte le parcours dans Démolir la Bastille, elle devient une affaire juteuse autant qu’une commémoration permanente.

Pierre-François Palloy, entrepreneur en bâtiment, se trouve en ce jour historique sur un chantier avec une douzaine d’ouvriers quand toute l’équipe est entraînée par la foule. Ils prennent eux aussi les armes et entrent dans la forteresse, dont Palloy s’autoproclame aussitôt le démolisseur. Deux jours plus tard, il obtient officiellement les droits de ce chantier titanesque. Et doit même avancer les frais, qui avoisinent le million de livres, sur ces propres deniers. Les ouvriers affluent, en moyenne 800 par jour, et les curieux aussi. Certains viennent participer bénévolement aux travaux, par foi patriotique. Mais la Bastille attire surtout promeneurs, fêtards et hommes publics. Palloy et ses ouvriers en profitent. Ils font très vite payer des visites guidées, qu’ils mettent en scène avec récits de torture et exposition de restes humains retrouvés sur place. Et l’entrepreneur en bâtiment de se muer peu à peu en marchand des reliques de la tyrannie. En juillet 1790, c’est Palloy qui organise une commémoration dans la forteresse. Opération qu’il renouvellera régulièrement, faisant ainsi de la Bastille un lieu de mémoire. A l’automne de la même année, notre homme envoie des maquettes de la prison dans chaque département, créant et entretenant avec énergie un culte autour des pierres de la forteresse. Pour Hans-Jürgen Lüsebrink et Rolf Reichardt, auteurs de The Bastille, Palloy a compris le besoin qu’a le peuple de rendre concrets les concepts politiques de liberté et de despotisme. Mais, grâce à un sens certain des affaires, tout ce battage autour de la Bastille lui permet aussi d’écouler les produits dérivés de la démolition, qu’il s’agisse des pierres ou des chaînes de la prison. Il ouvre d’ailleurs bientôt une boutique remplie d’estampes, bijoux, tabatières, statuettes, dominos et autres cartes à jouer en souvenir ou à l’effigie de la forteresse détruite… La vente des pierres en tant que matériau de construction, elle, rapporte beaucoup moins qu’espéré.

 

 

 

 

 

LE LIVRE
LE LIVRE

Démolir la Bastille. L’édification d’un lieu de mémoire de Héloïse Bocher, Vendémiaire, 2012

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