Le dragon chinois a avalé le Bordeaux

Quand la Chine s’est éveillée, les conquistadors bordelais ont entrevu l’Eldorado. Ils y ont perdu leur âme. Que ce soit dans le Bordelais ou dans leurs propres vignobles, les Chinois mènent désormais la danse.


En 1996, quand le principal importateur de grands vins de Bordeaux en Chine organise le premier événement promotionnel à ­Pékin, les tire-bouchons manquent à l’appel : sur place, on ne trouve encore que des décapsuleurs. Vingt ans plus tard, les conquistadors bordelais partis à l’assaut de l’empire du Milieu subissent toute la force de sa contre-­attaque. Les viticulteurs et les élégants riverains de la Garonne doivent aujourd’hui se plier aux façons musclées du commerce à la chinoise, si éloignées des leurs, codifiées de longue date. Le marché du bordeaux ­repose traditionnellement sur un ­savant équilibre de tensions entre grands châteaux, courtiers et négociants, avec en bout de chaîne les acheteurs, heureux récipiendaires du divin breuvage. Les grands domaines – essentiellement les 61 crus du Médoc figurant au « classement » établi en 1855 – gèrent, par un méca­nisme d’allocations, la rareté de leurs vins prodigieusement coûteux, que les courtiers fournissent aux négociants, qui les revendent de par le monde (certains châteaux hors ­Médoc, ­notamment les 444 crus bourgeois, se raccrochent à ces branches si fructifères en se prévalant de classements spécifiques). Quant aux 8 000 petits domaines ...
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Le dragon assoiffé : la convoitise chinoise pour le bordeaux et la menace sur les meilleurs vins du monde  de Suzanne Mustacich, Henry Holt, 2015

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