Le Lutin du jazz

Quand je rentrai du travail, le lendemain, Tafi était toujours chez moi. Je ne dis rien parce que je ne voulais pas avoir l’air de le foutre dehors. Cela aurait cassé la dynamique du groupe. Mais il avait mangé tout mon pain. Tafi semblait trop à son aise dans l’appartement.

Fête de l’Indépendance, mercredi 18 avril 2001. Je me souviens encore très bien de ce matin-là. À part ma valise et mon saxo, mes misérables affaires étaient toujours entassées dans la cour. Sur la ville d’Harare, le ciel gris sale pendait comme une guenille de mendiant mais je m’en fichais totalement. Je venais d’arriver dans mon studio meublé. Un appartement que je n’aurais plus à partager avec personne. Et surtout pas avec ces macs de lutins. Le studio était dans un pauvre état : murs et plafonds écaillés ; au sol, un quart du carrelage décollé. Le chauffe-eau cassé. Mais qu’importe. La solitude sordide de mon nouveau logis m’était un soulagement. Enfin j’avais l’impression de comprendre Harare et ses habitants car, je le sentais, quelque chose de cette ville m’avait jusque-là échappé : neuf mois ne suffisent peut-être pas pour saisir une ville. Avant de mourir, mon grand-père disait toujours qu’on ne connaît bien un lieu que si 1 : on est tombé amoureux de sa musique ; 2 : on est tombé amoureux de ses femmes ; et 3 : on a goûté la mbanje qui pousse sur son sol. J’avais ...
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L’Afrique qui vient de Le Lutin du jazz, Hoëbeke

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