Publié dans le magazine Books n° 2, janvier - février 2009. Par Susie Linfield.
Comment la « perle » de l’Afrique a-t-elle pu devenir ce pays maudit, ravagé par la tyrannie, la faim, le sida, et maintenant le choléra ? En négligeant de soigner ses blessures originelles, disent ses écrivains.
Autrefois, on surnommait le Zimbabwe la « perle de l’Afrique », pour reprendre l’expression utilisée par Samora Machel, le président du Mozambique, lors de l’indépendance, en 1980. Deuxième pays le plus industrialisé du continent, l’ancienne Rhodésie du Sud disposait d’infrastructures de qualité, à commencer par son réseau routier et ferroviaire (« Vous avez de la chance d’avoir eu les Britanniques », déclara un autre leader mozambicain) ; d’une population dynamique, bourrée de talent et avide de connaissances ; et d’un embryon de démocratie, avec une presse relativement libre et un système judiciaire digne de ce nom 1. Les problèmes, bien sûr, étaient considérables : il fallait se remettre de plus d’une décennie de guerre civile particulièrement atroce, et d’immenses inégalités opposaient les Blancs aux Noirs en termes de richesse, d’éducation, de qualification et de propriété de la terre. Mais le Zimbabwe n’avait pas seulement eu historiquement une certaine chance ; sa nature, aussi, était bénie : un pays magnifique, regorgeant de matières premières, et extraordinairement fertile.
Ses immenses exploitations agricoles étaient modernes, habilement irriguées et passionnément entretenues ; ...