Les bienfaits oubliés de la SDN

SDN : le sigle de la Société des Nations est longtemps resté honni. Comme le souligne Mark Mazower dans le Guardian, « avant même la fin de la Seconde Guerre mondiale, la nécessité de donner un nom différent à leur nouvelle organisation était à peu près la seule chose sur laquelle s’accordaient les architectes des Nations unies ». Pour Susan Pedersen, le bilan de la SDN est pourtant plus nuancé qu’on ne le dit. En s’intéressant notamment au rôle de la Commission permanente des mandats (CPM), cette historienne de Columbia met en lumière « les conséquences accidentelles qui ont découlé de la collision entre le pouvoir étatique et l’administration internationale », résume Duncan Kelly dans le Financial Times. En 1919, les vainqueurs ont feint d’adhérer à l’idéalisme de Woodrow Wilson en acceptant d’administrer les anciennes colonies allemandes et les possessions de l’Empire ottoman sous le contrôle de la SDN. Dans les faits, ils comptaient bien que cette dernière leur laisse le champ libre. Ce fut en grande partie le cas, mais en partie seulement. « Même si nombre des membres de la CPM étaient proches des empires mandataires, beaucoup étaient aussi des internationalistes qui mesuraient la force des revendications d’autodétermination », poursuit Kelly. Tout en adhérant à la vision paternaliste selon laquelle les populations sous mandat n’étaient pas mûres pour se gouverner elle-même, ces diplomates « ont donné aux habitants des îles Samoa, aux Rwandais et aux Syriens une organisation à Genève à laquelle ils pouvaient adresser leurs plaintes », rapporte Mazower. Les centaines de pétitions ainsi reçues restèrent lettre morte dans l’immense majorité des cas. Mais leur simple existence et la publicité qui les entourait ont contribué à installer la question de la décolonisation dans le débat. Destinée à légitimer le pouvoir impérial, la SDN aura fini par « fournir les outils qui ont conduit à l’abolir », conclut Duncan Kelly.
LE LIVRE
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Les gardiens : la Société des Nations et la crise de l’Empire  de Susan Pedersen, Oxford University Press, 2015

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