À contre-courant
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Les jeux d’argent, opium de la noblesse


Theodoor Rombouts - Les Joueurs de cartes

La Française des jeux a engrangé des bénéfices record en 2015, 159 millions d’euros net. Aujourd’hui, le gros lot fait rêver de nombreux Français. Mais au XVIIe siècle, il était l’apanage de quelques privilégiés. Les tout premiers pas vers la libéralisation des jeux d’argent avaient pour but de contrôler la noblesse, rappelle l’historien Jean-Louis Harouel dans « De François Ier au pari en ligne, histoire du jeu en France ». Louis XIV cherche alors de quoi couper ses griffes politiques à cette classe dangereuse qu’est l’aristocratie de l’époque ; il lui faut un moyen de l’occuper. « Le jeu constitue là une solution particulièrement efficace », écrit Harouel. Depuis le Moyen Age, le jeu de hasard, réprouvé par l’Église, est pourtant interdit. Même François Ier, qui comptait sur une loterie pour renflouer ses caisses, avait dû y renoncer. Sans légaliser formellement la pratique, Louis XIV instaure une parfaite tolérance envers les jeux d’argent à la Cour, et donne l’exemple : il joue sur un très grand pied. Ses successeurs feront de même. Louis XVI, dont les dépenses personnelles révèlent pourtant un solide sens de l’économie, s’y adonne sans compter.

L’engouement que connaît au même moment toute l’Europe pour la loterie contribue elle aussi à réhabiliter le jeu de hasard. Bientôt, ces tirages au sort serviront partout à financer travaux publics et bonnes œuvres, ce qui intéresse les gens d’Eglise. « Tel le père Ménestrier, célèbre jésuite lyonnais, qui voulait justifier l’emploi d’une loterie pour la reconstruction de l’Hôtel-Dieu de Lyon, écrit Harouel. Dans sa Dissertation des Lotteries, publiée en 1700, il s’attacha à démontrer le caractère licite de ce jeu d’argent. » Entre la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe, la doctrine sera dès lors adoucie. Le jeu sage et modéré est déclaré licite. Ainsi Pontas, dans son Dictionnaire des cas de conscience, publié en 1715, note que l’interdiction des jeux d’argent repose sur les « mauvaises circonstances » qu’ils entraînent généralement, citant la colère, le blasphème, le désespoir. « Le jeu en lui-même s’en trouve alors quelque peu innocenté », écrit Harouel.

 

LE LIVRE
LE LIVRE

Dictionnaire des cas de conscience de Jean Pontas, A. Le Mercier, 1715

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