Les pathologies de l’enrichissement
Publié dans le magazine Books n° 26, octobre 2011.
« La valeur de tout ce qui nous entoure ne cesse d’augmenter, seules nos vies sont dépréciées. Le monde court à sa perte, et nous courons tous derrière lui. Ne pourrions-nous pas souffler un peu et penser par nous-mêmes, au lieu de suivre les autres comme de vulgaires moutons ? » Dans son récent ouvrage Dajia dou you bing (« Nous sommes tous malades »), le mangaka taïwanais Zhu Deyong interpelle ses contemporains, les interroge sur leur nouveau mode de vie, dans cette Chine où tout s’accélère…
« La valeur de tout ce qui nous entoure ne cesse d’augmenter, seules nos vies sont dépréciées. Le monde court à sa perte, et nous courons tous derrière lui. Ne pourrions-nous pas souffler un peu et penser par nous-mêmes, au lieu de suivre les autres comme de vulgaires moutons ? » Dans son récent ouvrage Dajia dou you bing (« Nous sommes tous malades »), le mangaka taïwanais Zhu Deyong interpelle ses contemporains, les interroge sur leur nouveau mode de vie, dans cette Chine où tout s’accélère et où la consommation ne connaît plus de frein. Paru en mai dernier, l’album a bénéficié d’un premier tirage à 500 000 exemplaires, dont 100 000 se sont vendus en ligne en trois jours à peine.
Dans un entretien au quotidien Beijing Qingnian Bao, l’auteur explique qu’il lui a fallu dix ans pour concevoir et dessiner l’ouvrage. « Pendant cette décennie, j’ai beaucoup observé les gens de la région, ceux qui subissent la pauvreté d’un côté, et ceux qui profitent de la croissance de l’autre. Les Chinois n’ont plus que six lettres à la bouche : “ABC” et “CEO”, pour American-Born Chinese [Sino-Américain] et Chief Executive Officer [directeur général]. Obsédés par la “réussite”, ils ne pensent qu’à devenir des Sino-Américains et des “directeurs”. »
Biens matériels et spirituels
Les personnages du livre sont le reflet de cette société perturbée, rapporte le journaliste Liang Liang dans les colonnes du Chengdu Shangbao : « Trois frères suicidaires, qui tentent chaque jour de mettre fin à leur vie sans jamais y parvenir ; un couple angoissé, submergé par les difficultés financières ; un assassin ; un médecin ; et quantité d’autres personnages qui ont en commun de vivre des drames absurdes. » En cinq ans, Zhu Deyong a réalisé plus de mille planches, faisant ainsi, avec humour, « la chronique de tous les maux quotidiens qui frappent la Chine contemporaine ».
« Nous vivons une époque où les biens matériels abondent tandis que les biens spirituels se raréfient, poursuit l’auteur dans son entretien au Beijing Qingnian Bao. Nous croyons que l’avenir ne nous apportera que du “bonheur”, mais ce prétendu “bonheur” se dilue déjà dans une course effrénée à la consommation, qui, loin d’embellir nos vies, avive nos désirs et éveille la cupidité. Il faut se poser la question : “Si je dois mourir demain, ma vie aura-t-elle été digne d’être vécue ?” »