À contre-courant
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Les regrets de l’inventeur du test à choix multiples


Students at Cathedral Senior High School in New Ulm, Minnesota / US National Archives

Dans les pistes de réforme du baccalauréat présentées cette semaine au ministre de l’Education nationale, le test à choix multiples brille par son absence. Né et développé aux Etats-Unis, où il régente toutes les étapes du cursus scolaire, il n’a jamais réussi à s’implanter en France.

Il a été créé en 1914 par Frederick Kelly, pédagogue à l’université du Kansas, rappelle Cathy Davidson dans Now You See It : How Brain Science of Attention Will Transform the Way We Live, Work, and Learn. Le but de Kelly était de rendre l’évaluation de la compréhension écrite des élèves plus efficace et objective. Son « test de lecture silencieuse », comme il l’appelle, se compose de 37 pages de questions, dont le modèle du genre est : « Ci-dessous sont écrits les noms de quatre animaux. Entourez ceux qui sont utilisés dans une ferme : vache, tigre, rat, loup. »

Les questions doivent être les plus limpides possibles et ne peuvent admettre qu’une réponse. Les propositions doivent être soit complètement fausses ou totalement justes. Le système était d’autant plus efficace que les élèves n’avaient pas besoin d’écrire, et les professeurs de lire. Ceux-ci se contentaient de comparer les copies avec la correction. Ils ne pouvaient plus faire jouer leur subjectivité, et c’était d’ailleurs l’un des buts de Kelly.

Le « test de lecture silencieuse » connaît un succès fulgurant, car à l’époque l’école américaine est en crise. Le second degré qui comptait 200 000 élèves doit en accueillir 1,5 million et la Première guerre mondiale aggrave le problème. Les professeurs, hommes et femmes, sont mobilisés au front ou à l’usine.

Mais cette généralisation de son mode d’examen à travers tous les niveaux du système scolaire ne réjouit pas Kelly. Bien au contraire. Après la guerre, il défend même un tout autre type d’éducation plus libre et fondé sur la résolution de problème, expliquant que son test n’avait été conçu que comme un moyen de mesurer « l’intelligence des basses classes ». « La faculté est un endroit où l’on apprend à s’éduquer plutôt que le lieu où l’on vous éduque », écrit-il en 1928.

 

A lire aussi dans Books : Les enfants perdus des manuels d’éducation, juillet-août 2014.

LE LIVRE
LE LIVRE

Now You See It de Cathy N. Davidson, Penguin Books, 2012

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