Les secrets du cuisinier zen

Entre 1223 et 1227, le moine japonais Dôgen voyage en Chine pour étudier le bouddhisme de l’école de Caodong, fondée au ixe siècle. Il importe ensuite cette école au Japon sous le nom de Sōtō, et rédige en 1237 l’un de ses textes fondateurs, Les Instructions pour le cuisinier. Il faut comprendre la cuisine dans son sens pratique mais aussi métaphorique ; Ekiho Miyazaki (1902-2008), 78e successeur de Dôgen, disait : « Les instructions pour le cuisinier sont des instructions pour la vie ». Extraits.

Les monastères bouddhiques ont, en principe, six titulaires de charge. Parmi eux, le Tenzo porte la responsabilité de s’occuper des repas pour la communauté. Cette charge a depuis les temps anciens été tenue par des moines qui possédaient l’esprit de la Voie ou par des disciples éminents qui aspiraient ardemment à l’esprit de l’éveil. […] Ne laissez pas laver le riz ou préparer les légumes par d’autres, mais utilisez plutôt vos propres mains, vos propres yeux, votre sincérité. Ne fragmentez pas votre attention, mais voyez ce que chaque instant demande ; si vous ne prenez soin que d’une chose, alors vous serez négligent pour l’autre. […] Si vous avez seulement des herbes sauvages pour faire un bouillon, ne les dédaignez pas. Si vous avez des ingrédients pour faire une soupe crémeuse, ne soyez pas ravis. Là où il n’y a pas d’attachement, il ne peut y avoir d’aversion. Ne soyez pas négligents avec des ingrédients simples et ne dépendez pas d’ingrédients raffinés pour que le travail se fasse pour vous, travaillez plutôt avec la même sincérité avec tout. […] Lorsque vous servez l’assemblée monastique, les moines et vous ne devriez sentir que la saveur de l’océan de la Réalité, de l’océan de la Conscience Éveillée immaculée, sans que cela ne dépende de si la soupe est crémeuse ou bien si elle est faite seulement avec des herbes sauvages. En nourrissant les graines de la vie dans la Voie, nourriture riche et herbes sauvages ne sont pas différentes. Il y a le vieux dicton, « la bouche d’un moine est comme un four ». Gardez cela à l’esprit.   (Traduit par Philippe Schell d’après la traduction du japonais vers l’anglais de Yasuda Joshu Daimen roshi et Anzan Hoshin roshi.)

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