Les vertus insoupçonnées du CO2

Le mathématicien et physicien américain Freeman Dyson, a commencé, sur le grand tard (il est né en 1923), une carrière de trublion des sciences. L’homme est pourtant un savant très respecté, qui a apporté « une contribution fondamentale à la physique en unifiant les théories quantique et électrodynamique, écrit Nicholas Dawidoff dans le New York Times, et participé au développement de la physique moderne, échangeant avec certains des plus grands esprits de son temps, y compris Einstein »…

Le mathématicien et physicien américain Freeman Dyson, a commencé, sur le grand tard (il est né en 1923), une carrière de trublion des sciences. L’homme est pourtant un savant très respecté, qui a apporté « une contribution fondamentale à la physique en unifiant les théories quantique et électrodynamique, écrit Nicholas Dawidoff dans le New York Times, et participé au développement de la physique moderne, échangeant avec certains des plus grands esprits de son temps, y compris Einstein ». Mais voilà : « Au lieu de rester fidèle à ce champ fondamental, Dyson a entrepris des recherches au-delà du territoire habituel de la plupart des physiciens » (lire « Effet de serre : un sceptique encombrant »). Il entend, selon sa belle formule, « servir de pont entre les deux rives de la rivière ignorance ». Ce refus du cloisonnement et de l’hyperspécialisation lui a sans doute coûté le Nobel.

Aujourd’hui, le vieil opposant à la bombe atomique, aux guerres du Vietnam et d’Irak, s’engage pour le « climato-scepticisme ». Certes, pour Dyson, « la science est intrinsèquement subversive, rapporte George Johnson dans le New York Times. Qu’il s’agisse de pulvériser une théorie établie ou de bousculer les doctrines politiques les plus respectées, la démarche scientifique – l’implacable poursuite de sa propre intuition – est une menace pour toute autorité quelle qu’elle soit ». Mais de là à affronter l’un des dogmes majeurs de l’époque !

En fait, en rigoureux mathématicien qu’il est, Dyson trouve simplement que nous ne disposons pas de données suffisantes et fiables sur la question. Ce n’est donc pas la peine de bâtir des modèles ultrasophistiqués truffés d’inconnues et d’hypothèses hasardeuses. Mieux vaut, dit-il, se polariser sur des problèmes urgents et avérés : la pauvreté, l’acidification des océans, ou le gaspillage de l’eau. Même le CO2 trouve grâce aux yeux du mathématicien : non seulement ce composé est fort utile (sans CO2, pas de vie), mais on devrait pouvoir à terme le neutraliser – notamment en plantant des arbres génétiquement modifiés pour absorber le carbone  (lire « Les remèdes énergiques sont les pires », Books, n° 3, mars 2009, p. 17). Le débat n’est pas près d’être tranché – mais l’essentiel du message est ailleurs : la science n’a pas vocation à conforter les idéologies, même scientifiques, mais à les remettre en question.

LE LIVRE
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Portrait du scientifique en rebelle de Les vertus insoupçonnées du CO2, Actes Sud

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