L’infinie tristesse de Leopardi

La palme du poète le plus désespéré de l’histoire revient sans doute à l’Italien Leopardi.

Les romantiques ne furent jamais de grands optimistes. Mais, à côté de Giacomo Leopardi, qui fut à la fois leur contemporain, leur émule et quelquefois aussi leur contradicteur, ils passeraient presque pour de joyeux lurons. Voici ce qu’écrivait le grand poète italien à 27 ans : « Tout est mauvais. Je veux dire que tout ce qui est, est mal ; chaque chose qui existe est une mauvaise chose, qui existe en vue du mal. L’existence est un mal […]. Le seul bien est de n’être pas. » Alors que sort une nouvelle traduction anglaise de ses Canti, son œuvre phare, Adam Kirsch, lui-même poète et critique littéraire, revient dans le New Yorker sur le « désespoir radical » de Leopardi : « Quand on le lit, il est difficile de se sentir vraiment heureux – de ne pas se dire qu’on ignorait en fait jusqu’à présent les dures vérités auxquelles lui fait face, la mortalité, l’oubli, la vanité de tout effort humain. » Il est vrai que la courte vie de Leopardi n’eut rien de facile. Né dans une famille noble mais appauvrie, il aura jusqu’à sa mort des problèmes d’argent. Il souffre de troubles de la vision, de diverses maladies nerveuses, mais surtout d’une grave scoliose, qui finira sans doute par le tuer en 1837, à l’âge de 38 ans, en comprimant son cœur et ses poumons. Sa vie amoureuse, aussi, est un désastre. « Il mourut probablement vierge », estime Kirsch. La faute, là encore, à cette maudite scoliose qui l’avait rendu difforme… Le bonheur, pour Leopardi, n’est guère concevable qu’a posteriori : c’est celui de l’enfance. Et, comme on pouvait s’y attendre avec lui, le souvenir qu’on en a, en accusant l’écart entre la félicité passée et la misère présente, devient source de nouvelles souffrances : « Quand je me rappelle cet espoir si grand, / me voilà oppressé, / Acerbe et désolé, / Ô nature, nature, / Pourquoi ne tiens-tu pas / Ce que tu promettais alors ? » Giacomo Leopardi, Canti. Poems (« Chants »), Farrar, Straus and Giroux, 2010. Disponible en français chez de nombreux éditeurs, notamment en édition bilingue aux éditions Flammarion.    
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Chants de L’infinie tristesse de Leopardi, Farrar, Strauss and Giroux

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