« Aucun écrivain, aucun historien n’a façonné notre conception de l’art comme lui. S’il nous semble tout naturel de parler d’époques artistiques, du gothique, de la Renaissance ; si nous voyons volontiers dans l’artiste un marginal, un génie fougueux, à la lisière de la folie ; si nous parlons tant de la liberté de l’art et de l’autonomie de l’artiste, c’est à cause de Vasari », explique Hanno Rauterberg dans le
Zeit, à l’occasion de la parution d’une nouvelle traduction allemande des
Vite*. Vasari (dont on fête cette année le 500e anniversaire de la naissance) y présente plus d’une centaine de peintres, sculpteurs et architectes. « Ce qui, à première vue, peut apparaître comme un travail consciencieux, une juxtaposition de biographies, se révèle un récit biaisé, un manifeste d’une adresse peu commune. » Vasari impose sa vision : les trois siècles qui l’ont précédé incarnent à ses yeux une lente marche vers la perfection esthétique. Partant de Cimabue qui, avec Giotto, fait sortir l’art des ténèbres, il aboutit à Michel-Ange, sommet indépassable.
En chemin, le biographe règle ses comptes : Baccio Bandinelli devient un bon à rien, Sodoma un vaniteux homosexuel, Andrea del Sarto l’esclave velléitaire du beau sexe… Leur seul tort ? Avoir été les rivaux de Vasari ou, pire : ne pas être toscans. Les manipulations culminent quand notre auteur fait de son arrière-grand-père, simple sellier, un artiste éminent et de lui-même, peintre médiocre, un enfant prodige, formé par Michel-Ange. Sa principale contribution fut sans doute architecturale : on lui doit le magnifique réaménagement des Offices à Florence.
Notes
* Cette publication chez l’éditeur Klaus Wagenbach a commencé en 2004. Elle devrait comprendre 45 volumes et s’échelonner jusqu’en 2014.