Lost in translation
Publié dans le magazine Books n° 22, mai 2011.
Beaucoup de bruit outre-Atlantique pour ce petit livre consacré à l’art de traduire. Edith Grossman, célèbre traductrice de l’espagnol vers l’anglais, connue notamment pour sa nouvelle version de Don Quichotte, y pousse quelques clameurs dérangeantes.
Beaucoup de bruit outre-Atlantique pour ce petit livre consacré à l’art de traduire. Edith Grossman, célèbre traductrice de l’espagnol vers l’anglais, connue notamment pour sa nouvelle version de Don Quichotte, y pousse quelques clameurs dérangeantes. L’édition anglo-saxonne en général, et américaine en particulier, fonctionne, déplore-t-elle, à sens unique : elle exporte ses propres œuvres (on estime que 50 % des livres traduits dans le monde le sont de l’anglais), mais ignore impérialement celles des autres, qui ne représentent que 3 % environ des publications aux États-Unis. Et c’est grave, pour les Anglo-Saxons, qui se « provincialisent », relève The Australian ; pour la culture mondiale aussi, l’anglais étant la langue de passage entre certaines littératures – « par exemple, explique Grossman, un livre écrit en espagnol doit souvent être traduit d’abord en anglais pour pénétrer le marché chinois » –, et même pour la stabilité de la planète, « car Grossman pense que l’incompréhension culturelle résultant de cette situation a des conséquences dangereuses pour la paix dans le monde », ironise un autre traducteur, Tim Parks, dans la New York Review of Books.
C’est évidemment grave, aussi, pour les traducteurs, mal considérés du public, ignorés des critiques et sous-payés par les éditeurs. Quelle injustice pourtant ! Car un bon traducteur capte ce qui est tapi « sous la surface des mots », il sait extérioriser les « mystères esthétiques du texte ». Comment ? « Par un acte créatif de réécriture, bien loin de la simple transposition d’une langue à l’autre », résume Edward Kings dans le Sunday Times.