Publié dans le magazine Books n° 35, septembre 2012. Par Edmund White.
L’écrivain italien a tout contrefait, en particulier sa posture de victime de Mussolini. Mais cet égocentrique qui n’aimait que sa mère, les palaces et son chien a su évoquer comme personne les horreurs de la guerre.
Chez Curzio Malaparte, l’auteur de
Kaputt et de
La Peau, deux des livres les plus mémorables sur la Seconde Guerre mondiale, presque tout est bidon, à commencer par le nom. Né en 1898 dans la ville de Prato, en Toscane, d’un père allemand irascible (protestant de surcroît), Erwin Suckert, et d’une mère italienne, le futur écrivain s’appelait, à l’origine, Kurt Erich ; mais ces prénoms lourdement teutoniques eurent tôt fait d’être changés en Curzio. Vers la vingtaine, alors qu’il avait déjà publié quelques livres, l’écrivain décida de changer aussi son patronyme, de Suckert en Malaparte, qui sonnait beaucoup plus italien (comme son aîné Ettore Schmitz, devenu Italo Svevo). Malaparte offrait aussi une allusion évidente à Bonaparte, comme son versant négatif (1).
Bien que le romancier se soit toujours habilement posé en victime du fascisme, il avait en fait adhéré au parti dès 1922, un peu avant la marche sur Rome. Et ses articles attestaient de son ardent soutien à un régime dont il était aussi un pilier culturel – du moins jusqu’à ce que Mussolini l’assigne à résidence et le déporte ...