Mon papa à moi est président

Le champion des libertés Thomas Jefferson ne laissait pas respirer ses filles, dont il régentait la vie de façon maladive. Franklin Roosevelt, si soucieux de promouvoir la santé et le bien-être de ses concitoyens (tellement « paternaliste », lui reprochaient ses opposants), n’avait pas une minute à consacrer à ses fils – lesquels devaient prendre rendez-vous pour le voir. Lyndon Johnson, qui avait la réputation d’exceller dans les jeux d’alliance et de réseau, ne s’intéressait pour ainsi dire pas à ses deux filles. L’une d’elle, Lynda, se résolut à lire les comptes rendus de séances du Congrès dans l’espoir d’attirer l’attention de son président de père. Barack Obama, au contraire, est réputé froid et distant avec l’élite washingtonienne, dont il goûte peu les dîners en ville. Mais il s’efforce d’être présent tous les soirs à 18 h 30 pour partager le repas de Malia et Sasha. S’il y a un rapport entre le style des présidents américains et leur attitude en famille, celui-ci semble le plus souvent relever du miroir inversé. Ce que montre le journaliste et historien Joshua Kendall, dans un livre judicieusement intitulé « Premiers papas ». Kendall est persuadé que la vie de famille des 44 présidents des États-Unis (qui ont tous été pères) offre des clés pour comprendre le caractère des uns et des autres et, dans certains cas, le déroulement de leur carrière. Ainsi, Woodrow Wilson ne se serait probablement pas présenté à l’élection sans les encouragements de ses trois filles Margaret, Jessie et Eleanor. La jeune Amy Carter, elle, semble avoir involontairement joué un rôle dans la défaite de son père face à Ronald Reagan en 1980. Lors d’un débat télévisé, le président sortant déclara : « J’ai eu une conversation avec ma fille Amy l’autre jour, pour lui demander quel était à ses yeux le problème principal. Elle m’a répondu que pour elle il s’agissait des armes nucléaires et de leur contrôle. » Ses adversaires ne manquèrent pas de tomber à bras raccourcis sur ce président demandant l’avis de sa fille de 13 ans pour déterminer les priorités stratégiques du pays. Mais le contexte personnel a aussi pu avoir des conséquences beaucoup plus tragiques qu’une non-réélection. D’après un passage du livre évoqué par le Wall Street Journal, le désespoir qui gagna Calvin Coolidge après la mort de son fils de 16 ans ne fut pas pour rien dans l’incapacité du dirigeant à interpréter et réagir aux signes avant-coureurs de la Crise de 1929.
LE LIVRE
LE LIVRE

Premiers papas : éducation des enfants et politique, de George Washington à Barack Obama de Joshua Kendall, Grand Central Publishing, 2016

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