Néandertal, notre cousin mal-aimé

Depuis la découverte des premiers ossements d’Homo neanderthalensis en 1856, on a fait de Néandertal le portrait du parfait « homme des cavernes ». On le disait cette sorte d’homme-singe aux sourcils broussailleux incapable de pensée symbolique, et encore moins de parole. Pendant les quelque 400 000 années d’existence des Néandertaliens, ils n’auraient guère fait de progrès techniques. Pas étonnant, dès lors, qu’ils aient été poussés vers la sortie, il y a près de 30 000 ans, par une espèce bien plus brillante que la leur – à savoir la nôtre, Homo sapiens. Sauf que rien de tout cela n’est exact, martèle l’archéologue britannique Rebecca Wragg Sykes dans Kindred.

« Wragg Sykes fait le distinguo entre les questions parfaitement sensées et légitimes – du style “Pourquoi les Néandertaliens ont-ils disparu ?” – et les préjugés qui font de nos lointains cousins des “losers pas très fute-fute issus d’une branche vermoulue de notre arbre généalogique” », note Simon Ings dans l’hebdomadaire New Scientist. L’auteure pointe par exemple que les outils des Néandertaliens étaient plus élaborés qu’on ne le pense, et leur régime alimentaire bien plus varié. Ils étaient friands de pistaches, de figues et de radis, ne boudaient pas les produits de la mer et se préparaient à l’occasion des infusions de plantes.

« Le plus frappant, c’est de réaliser à quel point les méthodes d’analyse ont progressé, souligne Philip Marsden dans l’hebdomadaire The Spectator. La génétique, l’imagerie 3D, l’utilisation du carbone-14 et des isotopes du strontium ont permis d’en apprendre davantage sur la physionomie, les activités et même les possibles structures sociales des Néandertaliens ». Les techniques de modélisation 3D, par exemple, laissent supposer que leurs cordes vocales étaient capables d’émettre des sons similaires aux nôtres. À présent, un consensus émerge sur le fait qu’ils communiquaient par la voix, explique l’archéologue.

Dans son désir de réhabiliter Néandertal, l’auteure pèche parfois par excès de zèle, estiment certains critiques. « Wragg Sykes parvient même à voir d’un œil bienveillant l’habitude plutôt tordue des Néandertaliens de dépecer, de démembrer et peut-être de consommer leurs morts […]. Certes, c’était un peu du cannibalisme, mais c’était surtout, soutient-elle, une manière pour eux de témoigner du respect et de l’amour à leurs chers disparus », s’amuse Richard Morrison dans le quotidien The Times.

À lire aussi dans Books : Néandertal était-il un artiste ?, mars 2019.

LE LIVRE
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Kindred: Neanderthal Life, Love, Death and Art de Rebecca Wragg Sykes, Bloomsbury Sigma, 2020

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