Publié dans le magazine Books n° 81, janvier / février 2017. Par Jean-Louis de Montesquiou.
Elle ne connaissait rien à l’art mais a lancé Jackson Pollock. Faisant un usage avisé de ses charmes, elle contribua à imposer l’art contemporain. Après quoi elle afficha son dépit face à la financiarisation du marché.
Ni formidablement riche, ni particulièrement belle, ni spécialement compétente en matière artistique, Peggy Guggenheim restera pourtant comme une figure clé – et haute en couleur – de l’art moderne. Galeriste, elle lance Jackson Pollock et contribue à mettre le pied à l’étrier de Robert Motherwell, Mark Rothko, David Hare, Robert De Niro Sr., Clyfford Still, Arshile Gorky et bien d ‘autres. Collectionneuse, elle laissera dans son palais vénitien une anthologie du cubisme, surréalisme, futurisme, expressionnisme, avant-gardisme, réunie à toute vitesse en Europe avant la Seconde Guerre mondiale et en Amérique pendant celle-ci. Quant à ses frasques, elles ont longtemps défrayé une chronique pourtant peu farouche. Quel était son secret ? Réponse en trois mots : l’argent, les maîtres et le sexe.
L’argent d’abord : même si elle était une Guggenheim « pauvre » (c’est-à-dire moins riche que ses oncles, ceux des musées de New York et de Bilbao), Peggy avait deux atouts : une avarice légendaire (elle rationnait la nourriture de ses domestiques) ; et un formidable sens des affaires, que sa biographe Jacqueline Bograd Weld décrit ainsi : « L’idée de vendre de l’art lui plaisait. Comme son grand-pè...