Dr Montesquieu et Mr Swift

Les Voyages de Gulliver sont parus cinq ans après les Lettres persanes. Et il est bien possible que Montesquieu ait influencé Swift, tant les ressemblances sont frappantes. Mais les deux auteurs n’ont pas la même philosophie. Pour le Français, courtois et distancié, l’espèce humaine est capable de progresser. Pour l’Irlandais, féroce et intransigeant, les hommes sont irrécupérables. Lequel avait raison ?

« Ah, si quelque Puissance nous accordait le don De nous voir tels que les autres nous voient ! Cela nous libérerait de bien des bévues Et de bien des idées sottes. » Robert Burns

  Avant que n’apparaisse cette curieuse transhumance qu’on appelle tourisme de masse, avant que la sécurité dans les aéroports ne devienne l’obstacle et le désagrément que l’on sait, voyager était une activité philosophique, car elle imposait, du moins aux esprits occidentaux, cette habitude de comparer qui est la base de tout jugement. Au début de l’époque moderne, la confrontation entre les Espagnols et les Indiens d’Amérique, dont l’existence était jusque-là insoupçonnée, ranima un vaste questionnement sur ce qu’était l’humain, par exemple dans la grande controverse de Valladolid qui opposa Fray Bartolomé de Las Casas à Juan Ginés de Sepúlveda, sur le statut moral des Indiens que les Espagnols avaient trouvés en possession du Nouveau Monde (1). L’élargissement de l’...
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Lettres persanes de Montesquieu, GF, 2011

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