Les populistes venus du froid

Au nord, c’est le vide laissé par l’État-providence qui fait le jeu des partis nationalistes et xénophobes.

 

Dans une Europe marquée par la montée des extrêmes, les pays nordiques font figure de « paradis populistes », souligne le journaliste suédois Bengt Lindroth dans un essai intitulé « La vengeance des électeurs ». Comme le résume Marie Demker dans le Svenska Dagbladet : « En Norvège et en Finlande, des partis populistes gouvernent avec des partis de droite ; en Suède, un parti populiste a failli renverser le gouvernement social-démocrate et vert après les élections de 2014 ; et, au Danemark, un parti populiste a soutenu des gouvernements de droite entre 2001 et 2011. » Est-ce à dire qu’il existe une « spécificité nordique » en la matière ? Lindroth en est persuadé. Outre les scrutins à la proportionnelle, qui favorisent la représentation des petits partis, des facteurs propres interviennent. Par « populistes », Lindroth entend des partis de droite nationalistes et xénophobes (le parti du Progrès en Norvège, les Démocrates de Suède, le Parti populaire danois et les Vrais Finlandais). Leur succès tient d’abord au recul de l’État-­providence. Comme ailleurs en Occident, « les jeunes n’ont plus l’assurance d’avoir une vie meilleure que leurs parents », lit-on dans le Sydsvenskan. Parallèlement, les systèmes sociaux sont entamés. La peur du déclassement n’en est que plus marquée. Mais il y a plus. Comme on peut le lire dans le magazine Tidskriften Respons, « il faut voir dans ces mouvements l’expression d’un conflit culturel ». Une bataille qui cristallise les tensions entre villes et campagnes, mais aussi entre les partisans d’une société ouverte et ceux qui donnent au « foyer du peuple » (la métaphore suédoise de l’État-providence) une dimension identitaire et religieuse. Certains journaux reprochent à Lindroth une définition trop restrictive du populisme. Ils regrettent, par exemple, qu’il n’ait pas analysé le cas du Parti pirate en Islande. Toutefois, l’auteur ne ferme pas la porte à l’idée qu’il puisse exister un « bon » populisme : « Le mot possède – souvent à juste titre – une connotation négative de vulgarité, d’anti-intellectualisme et d’opportunisme, note le critique du Dagens Nyheter. Mais Bengt Lindroth rappelle que le populisme peut aussi être démocratiquement salutaire, une vanne pour faire redescendre la tension lorsque la politique s’est  laissée aveugler en menant des réformes trop brusques. »
LE LIVRE
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La vengeance des électeurs : le populisme et le nationalisme dans les pays nordiques de Bengt Lindroth, Carlssns, 2016

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